jeudi 21 mai 2009

01 - LA COMMUNICATION : DU FAIRE SAVOIR AU FAIRE CROIRE

Par Clark G.KHADIGE, dba, dèsg
Chargé de cours à l'Université
Consultant


 "On se parle de plus en plus, mais on se comprend de moins en moins[1]"
INTRODUCTION :


            Il est inévitable de dire que si la Communication n'existait pas, il ne pourrait y avoir de relations entre les composantes humaines de la société. La Communication représente ce trait d'union qui relie entre eux aussi bien les hommes, que les éléments à l'homme, et qui est la relation directe entre les différentes actions choisies en stratégies, qu'elles soient en Marketing, en Management ou autre. Ajoutons que certains animaux, organisés en sociétés, tels que les fourmis, les singes, les abeilles et les cétacés, s'expriment par des émissions de sons qui ont leur raison d'être, d'autres par des émissions d'arumes et qui sont aujourd'hui analysés par des scientifiques.

            Par les véhicules dont dispose la Communication aujourd'hui, n'importe qui peut accéder à toute forme d'information recherchée, quelque soit le moment où le besoin émerge et surtout quelque soit le lieu et le moment choisi. Ce qu'apportent plus précisément ces véhicules, c'est principalement la liberté d'action, la connaissance de la liberté de pensée et celle de l'expression. En fait, c'est l'ouverture vers un monde infini de connaissances et de culture.  Pour l'individu c'est la découverte du contenu des messages, de la manière dont ils sont diffusés et, par cela, c'est la prise de conscience de l'infrastructure cosmopolite de la société humaine où les liens de réunion évoluent et ne sont plus tout à fait les mêmes, d'une époque à l'autre.

La Communication va, ainsi, permettre l'adaptation par la compréhension et le savoir et réussir l'atteinte des objectifs prévus ou espérés. D'autre part, la totale et libre expression permettra, elle aussi, l'insertion à part entière dans un organisme professionnel ou social quelconque et l'intégration profonde dans les équipes de réalisation, de créativité et de réussite. On pourra alors parler d'objectivité certaine et d'existence totale. Cependant, l'excès de Communication risquerait de créer un immense espace de confusion, et pourrait aboutir à une situation chaotique par un phénomène d¢auto-cannibalisme où la Communication disparaîtra pour faute d'excédent d'informations.

            Bien comprendre le comportement et les attitudes d'une population doit nécessairement passer par une profonde compréhension et une grande maîtrise de la Communication. Qui ne peut, ou ne veut, communiquer ne peut en aucun cas échanger. Il est important de se rappeler que l'homme a été créé pour vivre en communauté, et que cette vie ne peut se faire dans un environnement sans Communication. 

            Mais à la fin du XXème siècle, et au début du XXIème, la situation dans l'information a changé totalement le visage de l'individu, d'une part, et de l'opinion publique, d'une autre. L'ensemble de la Communication a introduit une certaine liberté de pensée et d'expression, et surtout celle d'agir. L'émetteur n'est plus en position d'imposer une information puisque le récepteur n'est plus aussi passif qu'il ne l'était auparavant. La Communication a apporté connaissance et culture, mais a surtout formé l'esprit de raisonnement et de synthèse qui ne permettent plus à l'individu de faire face incrédule aux événements qui se déroulent sous ses yeux. Il devient une part active dans l'évolution des choses.


L'information :

            Il serait bon, ici, d'introduire une définition de l'information. C'est un ensemble de données recueillies auprès de différentes sources et qui concernent la connaissance des phénomènes qui nous entourent, qui agissent ou que nous utilisons pour agir, et relatifs à un intervalle de temps bien déterminé.  Elle est issue d'une source, ou pôle émetteur, vers un destinataire, ou pôle récepteur, et dont le cumul, chez ce dernier, devient un ensemble de connaissances.

            L'information crée une relation, ou un rapport, entre les individus dans le but, soit de compléter une connaissance sur des événements choisis ou sur des phénomènes en cours, soit d'influencer sur une attitude ou un comportement. D'après Herbert KELMAN, "dans le cadre d'une réflexion théorique sur les mécanismes inhérents au changement d¢opinion[2]", l¢influence agit suivant trois processus distincts:

·         La soumission, suivant laquelle l'individu accepte l'information car il n'en contrôle ni les moyens, ni la source et suppose que celle-ci est crédible et que l'information est vérifiable,
·         L'identification, ou le phénomène par lequel l'individu tente de s'associer un comportement d'un autre individu qu'il valorise,
·         L'intériorisation  "ou la conformité de tel ou tel mode de conduite à notre système de valeurs qui incite l'individu à en faire sien[3]".

            Mais le phénomène d'influence de l'information suppose à priori que la confiance de l'individu est acquise, ou le sera, grâce aux arguments utilisés qui possèdent une capacité totale de persuasion. Ici nous pourrions mettre en évidence le fort impact de l'influence de la propagande, qui reste une arme efficace dans la manipulation de l'opinion des masses


Quid de l'origine de la Communication :

            La Communication est le premier élément qui naît avec l'homme, puisque, dès sa naissance, la première manifestation de son existence se traduit par les premiers cris qu'il pousse. Il communique, donc déjà avec le monde extérieur en affirmant sa présence. Pendant plusieurs semaines, ses moyens de contacts avec le monde extérieur vont se réduire à deux phénomènes :

1.     L'expression sonore, (on ne peut pas encore parler de langage), qu'il émet pour satisfaire ses différents besoins d'alimentation, d'hygiène et de santé,

2.    La perception visuelle du cadre environnant dans lequel il est placé.

            L'analyse de ces phénomènes va introduire un des premiers principes de la Communication et de sa diffusion : la conservation de l'intégrité du message. Il n'existe pas encore à ce niveau de relais ou d'intermédiaire de diffusion entre l'environnement direct et l'individu. A partir du moment où ce dernier apparaît, une grande attention doit être accordée au fait qu'aucune distorsion ne doit apparaître en cours de diffusion, afin que l'interprétation du message soit conforme à une réalité certaine et non à une certaine réalité. On parlera alors d'authenticité de message.

            L¢expression sonore, et la perception du cadre environnant est très riche en informations, puisqu'il va nous permettre d'isoler les prémices de la Communication et du Marketing.

            Si nous cherchions à définir le terme "perception" dans le cadre qui nous intéresse, il faudrait dire que la perception est le message que transmet l'environnement à tout individu qui y évolue. Dans le cas du bébé, l'environnement communique sa présence par ses formes et ses couleurs,  ses mouvements et sa vie, ses odeurs, ses sons, etc... A travers ces points, l'environnement informe, propose un choix et se vend, si on peut se permettre d'utiliser ce terme. N'a-t'on pas déjà ici les premiers éléments de la Communication et du Marketing ?


            La Communication semble avoir toujours été une sorte d'obsession chez l'homme. Dès les premiers âges, il s'est senti concerné par l'apprentissage de la vie avec, souvent, des conditions de travail et de vie précaires. Malgré les difficultés rencontrées, il a toujours continué d'apprendre, de chercher, de comprendre et de reproduire.

            Si la première forme de communication qu'il a réussi à établir, fut celle qui le reliait à sa famille, puis aux autres hommes, (le langage), il n'en a pas moins recherché les moyens de communiquer ses propres découvertes et connaissances par des moyens ineffaçables en commençant par la représentation idéographique des éléments de la nature avec lesquels il était constamment en contact. Il a reproduit tout ce que l'environnement avait d'impressionnant, en fait tout ce qui aiguisait sa curiosité, tout ce qui lui inspirait danger ou, finalement, tout ce qu'il ne pouvait s'expliquer. Ce fut le début de la Communication éducative et enseignante. Ce fut aussi le début de la Connaissance, de la Culture et de la Tradition.


De la Communication en général :

            Quand on utilise le terme "Communication", il n'est pas certain que chacun perçoive sa signification de la même manière. Pour la linguistique, la pluralité des récepteurs est ignorée et la Communication de masse néglige entièrement la conservation des données recueillies et de l'information en général mais met en évidence l'importance de la pluralité des sources d'émission et de réception.  Pour certains, c'est la finalité de la Communication qui est en cause, pour d'autres la question se pose au niveau de la signification des mensonges, secrets et silences de la Communication.

            Le monde de la Communication est un monde hétérogène, un ensemble où évoluent les éléments, les véhicules, les langages, les écrits, la culture dans son ensemble, etc.… Dans ce monde, le langage tient une place importante puisque c'est le moyen le plus simple pour se mettre en relation avec autrui. Il traduit plus concrètement la perception des situations où l'individu se débat et se développe.

            L'observation des attitudes et des comportements traduisent souvent des types de Communication particuliers. Elle met en valeur ce que l'on a appelé "le langage silencieux" qui conduit à un paradoxe : l'impossibilité de ne pas communiquer.  Si on admet le principe que toute attitude, tout comportement est un message déterminé, la question qui se pose pour les chercheurs en Communication est la suivante : la Communication fait-elle l'homme, quand l'homme a fait la Communication ? Autre paradoxe que l'on trouve dans l'analyse sociologique de la Communication humaine.

            La Communication rencontre aussi beaucoup d'obstacles. Le premier qui nous vient à l'esprit est celui des langues. Comment peut se faire une Communication inter-ethnie, tout d'abord,  internationale ensuite quand on ne connait pas la langue voisine? Ceci est surtout mis en relief dans les pays pluralistes, comme le Liban et les pays d'immigration comme l'Europe, les Etats-Unis et le Canada. Il faut trouver un mi-chemin pour contourner cet obstacle, et c'est la langue du pays accueillant qui jouera le rôle de base de la Communication commune.

Mais alors, ici dans ce contexte particulier, la Communication fait naître un nouveau problème: parler une nouvelle langue, n'est-ce pas à la limite accepter une nouvelle culture, une nouvelle pensée et abandonner celles dans lesquelles l'individu est né? N'est-ce pas aussi accéder à une nouvelle notion des valeurs, sans qu'elle soit nécessairement en opposition avec la précédente? N'assistons-nous pas à une confrontation des notions de Culture et de concept de Culture ? La Communication remplit-elle vraiment ses fonctions de catalysatrice des osmoses d'intégration? N'a-t'elle donc pas sa part de responsabilité? Et où réside-t'elle ?

            Il est intéressant de citer l'exemple de l'Inde où des centaines de langues et de dialectes se côtoient et où la Communication commune ne peut se faire qu'en anglais.



COMMUNICATION ET FAIRE CROIRE


Depuis plus de vingt-cinq siècles, les professionnels de la communication publique ont toujours voulu orienter, si ce n'est diriger, l'opinion des masses vers des idéologies centrées principalement sur des intérêts principalement individuels ou de pouvoir en tentant de manipuler ce que les peuples pensent ou perçoivent. Il s'agissait particulièrement d'un faire croire savamment caché sous un faire-savoir à travers discours, images, mises en scène, rhétoriques, argumentations, etc.

Au XXIème siècle, les choses n'ont pas tellement changé. Le faire-croire se fait plus présent, et pressant, le facteur temps étant une variable d'importance. « Les organisations d'influence modernes prolifèrent : ONG, think tanks, lobbies, spécialistes du marketing politique ou des «opérations psychologiques» militaires, services d'État et spin doctors. Jusqu'à cette forme paradoxale d'influence que veut être le terrorisme[4] ».

Les objectifs sont suffisamment diversifiés pour déstabiliser une certitude : politiques, religieux, économiques, culturels, etc. Il s'agirait de peser sur une opinion et surtout influencer une prise de décision, un choix stratégique. Ainsi, l'histoire de la communication orientante, et peut-être manipulante,  laisse apparaitre un pouvoir occulte qui utilise des outils et des moyens qui visent le cerveau de l'individu afin de le faire agir dans un sens déterminé.

L'objectif du faire-croire semblerait être celui de la déstabilisation de croyances ou d'adhésion à des idées intolérées par la société jusqu'à ce qu'elles en fassent partie à part entière. Une fois de plus, il s'agirait d'agir sur des codes de perception, de compréhension et d'adhésion. Machiavel n'en aurait pas pensé mieux.

Communiquer c'est tout d'abord informer et échanger. Si l'information apporte une connaissance nouvelle, la communication, elle, va se charger de faire comprendre, donc de faire accepter dans la mesure du possible, et d'influencer suivant la force d'arguments de conviction, de persuasion et de suggestion. N'a-t-on pas là, les prémices d'un faire-croire sous-jacent au faire-savoir ? Argumentation ou manipulation ? Information ou management de la perception[5] ?

Le faire-croire prend différentes significations suivant l'objectif qui lui est assigné : berner, convaincre, démontrer, persuader, prétexter, prouver, rouler, tromper, etc. et est largement présent dans l'influence idéologique de masse. Elle est donc une affaire stratégique, une affaire de lutte d'intérêts politico-économico-sociaux.  « Et la grande loi de la stratégie, comme l'avait définie Clausewitz, est qu'entre les plans des stratèges ou les principes du conflit d'une part et la réalité d'autre part, il se glisse de l'ignorance, du hasard et de la friction[6] ». Il s'agit de rendre possible la manipulation des consciences[7].



FAIRE SAVOIR

Le faire-savoir a un tout autre objectif : l'apprentissage et le développement des compétences culturelles, idéologiques, éducatives et professionnelles. Il s'agit de faire profiter les masses de connaissances accumulées au fil des siècles. L'évolution constante de la civilisation en dépend. 

Définir le faire-savoir dépend souvent du contexte dans lequel ce terme, ou cette technique, est utilisée. Ainsi, le faire-savoir :

1.        Est l'élément principal de l'apprentissage, fut-il dans les centres d'éducation primaires ou universitaires, techniques ou professionnels. Il s'agit ici de transmettre tout d'abord des connaissances de base, (rôle inhérent à l'école), des connaissances professionnelles (centres techniques et professionnels), des connaissances nouvelles issues de la recherche (universités et centres de recherches), etc.

2.      Est l'élément primordial de la formation professionnelle, rôle inhérent aux entreprises, et aux firmes de consultance, à la recherche constante de la performance finale au travers du développement des compétences individuelles et collectives. A ce niveau, l'entreprise va se lancer dans trois différentes orientations : l'adaptation à la méthodologie de travail appliquée, l'adaptation à de nouvelles méthodologies de travail dues à l'adaptation des nouvelles technologies qui apparaissent et, enfin, la réadaptation des individus à de nouvelles fonctions pour lesquelles ils n'étaient ni formés ni préparés auparavant. A cela, ajoutons que l'évolution des compétences est très souvent liée à l'évolution des connaissances personnelles, c'est-à-dire au développement de la culture individuelle. Fait marquant de ce début du XXIème siècle ou la culture a tendance à laisser la place à Internet.

3.       Est l'élément de base de la gestion des connaissances (Knowledge Management), apportée en majeure partie par l'Intelligence Economique. Peter Drucker dans son livre intitulé Post-Capitalist Society (1993), soutient : « De plus en plus, la productivité du savoir va devenir pour un pays, une industrie, une entreprise, le facteur de compétitivité déterminant. En matière de savoir, aucun pays, aucune industrie, aucune entreprise ne possède un avantage ou un désavantage 'naturel'. Le seul avantage qu'il ou qu'elle puisse s'assurer, c'est de tirer du savoir disponible pour tous un meilleur parti que les autres». Gérer des connaissances stipule qu'à la base il soit nécessaire de savoir et de pouvoir collecter des informations aussi bien à l'intérieur de l'entreprise qu'à l'extérieur. La gestion des connaissances permettra de transformer la vie culturelle de l'entreprise en une vie apprenante, en une vie professionnelle intelligente.

Mais comment définir avec la précision adéquate ce que l'on signifie par faire savoir ? C'est, à prime abord, savoir et pouvoir transmettre une information avec un objectif particulier : faire comprendre. Il en va donc d'une crédibilité :
1.        De la source émettrice,
2.      De l'information en elle-même,
3.       De  l'opinion exposée,
4.      Du canal de transmission, un média en l'occurrence,

Il s'agit, d'un côté, de remédier à une forme d'ignorance d'un thème, ou d'un sujet, particulier. L'authenticité de l'information a ici toute sa valeur. Il faut donc que préjugés et partialité en soient absent.

Il s'agit aussi de dissiper les incertitudes qui font obstacle à une prise de décision dans certaines situations sociales ou professionnelles importantes.


CONCLUSION

Il existe aussi une certaine ambiguïté quand on évoque la dualité qui existe entre le faire croire et le faire savoir.  Cette ambiguïté se remarque, après réflexion dans les questions suivantes :

1.        Quel est la part du faire croire dans le faire savoir ?
2.       Quel est la part du faire savoir dans le faire croire ?

Les nuances sont trop étroites et confondent. Elles méritent qu'on s'y arrête un instant.

Inévitablement dans un faire croire, il est nécessaire de se baser sur une information réelle, existante. Tout va alors se passer dans l'interprétation de cette information et dans l'explication que l'on désire lui donner. Il y a tout d'abord la manière de comprendre ce qui est reçu et qui se fait en fonction de ce que l'on sait déjà, de l'éducation, des croyances et de la perception et de la compréhension personnelles des événements qui nous entourent. De là, la question du quoi faire de cette information se pose suivant des objectifs que l'on se fixe.  Faut-il transmettre pour informer ou faut-il transmettre pour faire bouger et agir ? Parlerons-nous alors d'orientation des masses ou de manipulation des esprits ?

Dans un faire savoir l'information est réelle, claire et nette. Il s'agit de la transmettre avec le plus d'intégralité possible. Mais si l'objectif est de faire réagir une opinion publique, il sera nécessaire non pas de déformer l'information ni de la malformer avant transmission, ni même d'y ajouter un commentaire explicatif, mais d'ajouter des qualificatifs ou des superlatifs  afin de grandir les choses dans l'objectif de faire réagir. Ces termes auront l'inconvénient de faire croire ou de faire grandir en  importance une information courante.










REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

SFEZ, L, (1985) - La Communication - Edition Que sais-je?

www.veillemag/Maitres-du-faire-croire-De-la-propagande-a-l-influence



[1] (Lucien SFEZ - La Communication - Edition Que sais-je?)

[2] Encyclopédia Universalis, page 1007.
[3] Idem
[5] www.veillemag/Maitres-du-faire-croire-De-la-propagande-a-l-influence.fr
[6] Idem.
[7] Idem.

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