samedi 17 mars 2012

41 - INTELLIGENCE, CULTURE ET MEDIATION


Par Clark G. KHADIGE, dba, desg - (JCB 1934-2012)
Et
Zeinab ARTEIL, MSc




ABSTRAITS

L’internationalisation et la globalisation des marchés apportent une fois de plus un problème de taille à résoudre : celui de faire face à la diversité culturelle et au contexte interculturel qu’elle entraîne. Ce problème influence autant les comportements que les prises de décision des entreprises. Les individus communiquent aujourd’hui avec le monde entier par l’entremise de technologies de l’information et de la communication.

Dans le concept de culture et d’interculture les conflits, les dissemblances et les oppositions de pensée sont foules. La médiation a donc un rôle important à jouer dans la rencontre des peuples divisés par des interprétations et des pratiques que chacun considère comme étant uniques et universelles.

L’objectif de cet article est de comprendre ce qu’est la diversité culturelle et sa résultante interculturelle ainsi que les conflits, contradictions ou oppositions conséquents et le rôle crucial de la médiation. Autant de face-à-face qui nécessitent une médiation effective afin de faire évoluer la connaissance, le savoir et, par conséquent la civilisation humaine.



MOTS-CLÉS

Culture – Interculture – diversité – compréhension – liens – intelligence - médiation



ABSTRACTS 

The internationalization and the globalization of markets bring a problem of size once again to solve: the face to face between the cultural diversity and the intercultural context that it drags. This problem influences the behaviours as much that the decision makings of the organizations. Individuals communicate today with the whole world through the intervention of the new technologies of information and communication.  

In the concept of culture and interculture the conflicts, dissimilarities and oppositions of thought are crowds. The mediation has an important role therefore to play in the meeting of people divided by interpretations and practices that each one considers as being unique and universal. 

The objective of this article is to understand what is cultural diversity and its intercultural context as well as the conflicts, contradictions or consequent oppositions and the crucial role of mediation. As much face-to-face meeting that requires an efficient mediation in order to make evolve the knowledge and, therefore, human civilization. 

 

KEYWORDS 

Culture - Interculture - Diversity - Understanding - Ties - Intelligence - Mediation 



I ère PARTIE – CULTURE, INTELLIGENCE ET MÉDIATION
 

Le Larousse, dans son édition 2010, définit le terme médiation comme :

Ø  Une entremise destinée à amener un accord

Ø  Un arbitrage

Ø  Une procédure de règlement des conflits qui consiste dans l’interposition d’une tierce personne chargée de proposer une solution de conciliation aux parties en litige.

 Cette définition nous aide à entrevoir des dimensions diverses où un, ou des), problème(s) pourrai(en)t exister quand deux ou plusieurs personnes, ou groupes de personnes, sont réunies autour d’un sujet social, culturel ou économique. Ainsi :


1 - L’entremise destinée à amener un accord nous plonge dans une dimension économique que l’on connait sous le nom de négociation. Cette activité concerne un échange de biens contre une valeur financière, ou contre tout autre type de valeur, et est caractérisée par la recherche d’avantages par une partie aux dépends d’une autre. Cependant, le facteur de continuité dans le temps ne permet pas de concevoir une situation de gagnant-perdant puisque toute négociation doit pouvoir laisser émerger l’assurance d’une continuité des relations d’échanges futures.

 Notons, au passage, que si une négociation est qualifiée de gagnant-perdant, souvent dangereuse pour elle, elle laisse aussi entrevoir que deux autres situations pourraient exister : perdant-gagnant et gagnant-gagnant. Si l’objectif de la négociation gagnant-perdant concerne un avantage isolé sans continuité dans le temps, l’agressivité des exigences s’explique tout naturellement. Par contre, dans le concept d’arrangements futurs et de continuité de relations, la situation perdant-gagnant implique indirectement un accord tacite d’investissement dans le futur et que celle traitant de gagnant-gagnant contient non seulement la satisfaction des parties en présence, mais aussi l’assurance de relations futures continues.

Dans ce cas la médiation n’a pas raison d’être, puisque les trois dimensions citées ne mettent en relief aucun conflit apparent, sauf, peut-être, dans celle de gagnant-perdant.


2 - Un arbitrage.

Ayons encore recours au Larousse pour comprendre ce que l’arbitrage implique :

« Règlement éventuellement par anticipation d’un litige par un arbitre entre nations par des juges non professionnels de leur choix ».

Ce qui nous amène à rechercher l’explication du terme arbitre :

« Personne choisie par les parties intéressées pour trancher un différend » et « Personne, ou groupe, possédant un poids suffisant pour imposer son autorité ».

Nous nous conterons de ces définitions qui entrent dans le cadre de notre article.


Nous pourrions de premier abord dire ce qui suit : litige et différend sont des termes mettant en relief un désaccord sur un ou plusieurs points lors d’une rencontre ou d’une négociation. Cependant, que ce soit une rencontre ou une négociation, l’objectif reste d’atteindre un résultat. Les enjeux sont importants à des niveaux différents, les intérêts aussi. Il y a donc nécessité de faire appel à une troisième entité, ou personne, un modérateur, un intermédiaire, un animateur, un facilitateur… un arbitre.
 
Son rôle serait donc d’amener les parties présentes à un accord satisfaisant et durable. Bien sûr, le plus simple serait de trouver un compromis. Mais celui-ci laisserait les parties sur leur faim et le conflit, ou le désaccord, ne sera pas réglé mais sera simplement repoussé dans le temps. Un jour ou l’autre, il refera surface et la situation pourrait devenir plus difficile, sinon plus délicate.
 
Il est donc primordial que ce  troisième homme, ait le pouvoir d’imposer ce qui serait le plus proche d’une satisfaction commune. Ce pouvoir lui serait accordé par consentement des deux parties. S’il est l’homme de la situation, il est surtout le médiateur.

3 - Une procédure de règlement des conflits qui consiste dans l’interposition d’une tierce personne chargée de proposer une solution de conciliation aux parties en litige.

Il est clair que dans ce cas précis, il y a désaccord, il y a conflit. La solution la plus simple serait, à coup sûr, d’arrêter la réunion et d’aller trouver d’autres interlocuteurs.

Mais là aussi, les objectifs, les enjeux concurrentiels, les intérêts économiques constituent des empêchements caractéristiques à l’arrêt des pourparlers. Il faut donc trouver une solution. Cette dernière va inévitablement faire apparaitre le besoin de recourir à une analyste de la situation qui, impartialement, en prenant  connaissance des faits aura le choix entre :

Ø  Déterminer les responsabilités de l’impasse des négociations et, sans accuser ni montrer du doigt, orienter la communication vers un déblayage des points d’écueils inutiles et encombrants. De là, isoler les points communs et construire une autre approche menant nécessairement à un accord durable.

Ø  Jouer le véritable rôle de l’arbitre et appliquer les procédures classiques et éprouvées de la négociation. Il devra, après connaissance des faits, imposer une solution qui réunira les espérances de chaque partie, quitte à proposer un compromis avantageux et garantissant de futurs nouveaux contacts. La solution la plus intelligente serait, peut-être, de laisser entrevoir une relation bivalente perdant-gagnant pour chacune des parties en présence. En un mot, proposer des concessions astreignantes et avantageuses à la fois.

Ø  Concilier les positions de chaque partie en fusionnant dans une nouvelle proposition, les avantages communs déjà identifiés auparavant. Car les médiateurs sont des individus qui font circuler des informations utiles pour faciliter les échanges de toutes sortes.

Ø  Augmenter la tension entre les parties, afin qu’elles calment le jeu en proposant d’elles-mêmes une solution médiane acceptable. Appliquer, dans un sens, le principe de l’homéopathie : Régler le conflit par le conflit.

On en arrive, souvent, à se poser la question, face à des conflits existants ou en perspective d’éclosion : doit-on faire appel à un médiateur ou à un facilitateur ? En fait, quel est le rôle de chacun ?


          Le médiateur

Nous emprunterons à Claudia PREVOST[1], de l’Université de Laval, le paragraphe suivant qui résume avec excellence la définition du médiateur :

 «  L’apport des médiateurs est d’aider les parties à sortir de leurs positions (souvent incompatibles) pour aller vers leurs préoccupations (ou intérêts). Ces préoccupations sont en pratique rarement incompatibles. Le médiateur crée ainsi une ouverture dans le système conflictuel. Les arguments devront le plus souvent être ignorés, recadrés vers les préoccupations ou objectivés (par exemple à partir de références extérieures aux parties). Il est important de remarquer que dans toute situation (mais dans une proportion variable selon les situations), les parties ont à la fois des préoccupations d’ordre matériel (le problème à résoudre) et relationnel (voire émotionnel). La négation (fréquente) de l’un des deux aspects semble être une cause majeure de regain de la tension conflictuelle ».


Le facilitateur

« Un facilitateur intervient à priori dans un contexte difficile donc le travail d’équipe sera d’autant plus dur :

Ø  Peur de « mettre tout le monde dans la même pièce »

Ø  Crainte de ne pas obtenir de résultats dans des délais courts

Ø  Aide une équipe à prendre des décisions de groupe, en explorant collectivement les problèmes, leurs causes et les actions correctives

Ø  Met en place un cadre propice à la communication et s’assure que chacun peut exprimer son opinion sans crainte

Ø  Tantôt animateur, tantôt modérateur, tantôt conciliateur, il est à l'écoute
et cherche à faire sortir des idées qui n'auraient pu émerger individuellement


Mettre en place un climat de confiance demande à la fois de l’expérience et du charisme, car des conflits vont apparaître lors de la facilitation. Il va falloir les modérer ».

“Même quand la médiation n’aboutit pas, elle doit provoquer en chacun ce choc qui lui fait penser qu’il ne détient pas peut-être toute la vérité, que l’autre en possède lui aussi une part… Dans une véritable communication, même partielle, même interrompue, chacun s’en retourne atteint, avec une hésitation et une interrogation par rapport à soi-même.” (Six, 1990: 186)

 Les entreprises devront réaliser, avec le temps, que la consultation préventive avec un individu qui soit à la fois modérateur, intermédiaire, animateur, facilitateur, arbitre et médiateur pourrait permettre une conduite de pourparlers évitant les dissensions et différences possibles qui apparaitraient en situations difficiles.
 
Pour clore cette première partie, notons à l’instar de Pierre LEVY que les métiers du futur seront les métiers de la relation. Donc, aussi, de la médiation.


LE CONCEPT DE MÉDIATION

 Dans un article définissant expliquant la médiation publié sur le net, nous lisons ce qui suit : « La médiation, au sens général du terme, est une action qui vise la résolution d’un conflit par les parties en présence. Son recours découle principalement des motivations individuelles des usagers à mettre définitivement fin à leur problème. Ces derniers apparaissent motivés et expriment un besoin important de voir leur altercation se terminer. Toute non-violente qu’elle est, la médiation n’en demeure pas moins au départ un affrontement d’intérêts et de passions. Si le but de chacun est bien au début de l’emporter sur l’autre, la finalité de la médiation est de l’amener à comprendre que la satisfaction de l’autre est la condition sine qua non de sa propre satisfaction ».

 Comprenons, d’abord, la signification du terme interculturel : il se réfère à un « processus dynamique d’interaction entre individus et groupes porteurs de représentations et de valeurs différentes ». Elle montre donc que l’interculturel est une action de liaison en lui-même et on lui affublera divers qualificatifs, par la suite. 

La médiation se propose de comprendre les critères, les faits existants et les acteurs d’un conflit ou d’un désaccord présent dans une rencontre quelconque. Elle va donc prendre en considération les critères suivants :

Ø  L’objectif de la rencontre : activité économique, réunion sociale, recherche de ressources financières ou rencontre idéologique et culturelle,

Ø  Les besoins affichés : s’il y a rencontre, c’est qu’il existe un besoin d’échange,

Ø  Les croyances : la dimension de chaque participant et son origine ethnique,

Ø  Les valeurs : les choses qui ont une importance certaine pour chaque partie en présence et qui, souvent, ne coïncident pas dans leur présence ou leur explication.

Ø  Etc.
 

Dans une interculturalité de rencontres, il s’agit de reconnaître les différentes identités culturelles afin de pouvoir, dans la mesure du possible, orienter ces rencontres vers des objectifs positifs. Il y a donc nécessité de préparation des outils de médiation, de planification des discours issus de l’analyse et de la compréhension des identités représentées et de prévention des conflits..

 Notons au passage, que beaucoup de critères, cependant, ne sont pas compris de la même manière et sont sources de mauvaise compréhension ou d’incompréhension totale ou partielle, orientant ainsi la rencontre vers des tensions inattendues. On revient ainsi, involontairement, à la problématique du besoin de culture en médiation.

 La spécificité du rôle de la médiation dans l’interculturel repose sur la considération des cultures comme systèmes de référence à des habitudes, à des croyances, à des traditions, à des styles de comportement et de vie, etc. comme nous l’avons vu, et verrons, dans cet article. Le point principal de son action dépend de la neutralité totale de l’analyse des différences apparentes et émergentes. Il ne s’agit pas de donner raison, il s’agit de créer des liens de compréhension et de s’adapter à quelque chose de nouveau. Il ne s’agit pas aussi de trouver et de proposer des solutions si elles ne sont pas accompagnées de moyens pour les mettre en place. Le savoir-faire est une chose, le savoir-comment-faire en est une autre.


LA CULTURE ET SA DIMENSION PERCEPTIBLE

En anthropologie, la culture est définie comme un ensemble des façons de penser, de ressentir, de réfléchir, d’analyser et d’agir. Il s’agit de référencier les activités ayant trait à l’art, à la manière de penser et de concevoir les choses, à la littérature spécifique de groupes, à la recherche scientifique, etc. supposés élever l’esprit, mais concerne aussi les actes accomplis dans la vie quotidienne.

La culture est « un ensemble de manières de voir, de sentir, de percevoir, de penser, de s’exprimer, de réagir, des modes de vie, des croyances, des connaissances, des réalisations, des us et coutumes, des traditions, des institutions, des normes, des valeurs, des mœurs, des loisirs et des aspirations ». (Dictionnaire actuel de l’éducation, Larousse, 1988).

Notons que la culture, dans son sens général, est une résultante de la réflexion et de la recherche au profit d’une évolution de la civilisation et des codes de comportement social. C’est une activité commune, divisée et partagée par un ensemble de personnes appartenant à deux catégories distinctes :

Ø  Les penseurs, ou concepteurs, c’est-à-dire ceux qui cherchent, qui conçoivent, qui analysent et qui proposent,

Ø  Les suiveurs, c’est-à-dire ceux qui appliquent, qui modifient et qui vivent.

C’est donc une manifestation collective car elle est forgée et entretenue par des individus qui évoluent dans un même environnement social, culturel ou professionnel. Mais ce qui va différencier ces individus entre eux, c’est la manière dont les valeurs et les croyances sont suivies. Prenons l’exemple de l’hospitalité au Liban, valeur importante dans la relation humaine : elle peut être conçue par la quantité offerte dans une région et par la qualité dans d’autres.

Ajoutons à ce qui vient d’être dit que la Culture n’est pas quelque chose qui vient à la naissance. C’est quelque chose qui s’acquiert au fil du temps par l’éducation familiale, par l’environnement social proche, par ce qui est diffusé par les centres éducatifs, par les expériences et les recherches personnelles et uniques, par les voyages et la connaissance des autres peuples, par la lecture, etc. et en fonction d’idéologie dont on est adepte. En fait, toute sorte d’activité qui pourrait permettre à tout individu de se développer mentalement, idéologiquement, scientifiquement ou simplement socialement.

 Elle se développe donc au contact de facteurs agissant humains ou matériels. Toutefois, la culture personnelle, communautaire ou nationale, se développe suivant un processus constant. Tout est sujet à réflexion, tout est guide de comportement et de vie, tout est sujet à apprentissage et tout est sujet à enseignement. Elle interfère donc sur ce que nous faisons sur ce que nous observons, sur ce que nous pensons, sur ce que nous exprimons, etc.

 « Pour un individu[2], même s’il vit depuis longtemps dans son pays d’adoption, il ne peut se défaire de l’éducation qu’il a reçue, du modèle de comportement qui s’est imprimé en lui ».


Diversité culturelle et conflits

 Beaucoup de conflits dans le monde (personnels ou communautaires) ont pour sources, entre autres, des concepts ou des arguments critiques basés sur une perception de supériorité ou d’infériorité culturelle. En exemple, nous pourrions citer la destruction de la ville d’Ugarit (1er millénaire avant le Christ), berceau du premier alphabet abécédaire du monde occidental, (l’alphabet ayant déjà été inventé dans les régions extrême-orientales beaucoup plus tôt).  Pour les peuples acculturés ou inculturés, la connaissance est associée à richesse. Mais ce n’est pas la richesse du savoir qui est perçue, mais une richesse matérielle. D’où jalousie, cupidité, conquête et destruction.

 Ce qu’il faut surtout prendre en compte, c’est que la culture est un facteur de conditionnement humain. Un individu se comporte physiquement et mentalement en fonction de ce que son entourage familial, social, professionnel et surtout national lui a inculqué au fil des ans.

La culture et ses représentations

 Les différences culturelles se révèlent sous différentes formes qui font appel, souvent à des représentations pittoresques, comme les logos et les images, des symboles comme le drapeau national, des rites, comme la façon de saluer ou de se présenter.  On pourrait citer les représentations suivantes :


Ø  Le symbole qui est porteur de signification particulière, comme l’appartenance à une entité spécifique, et que seuls les membres peuvent identifier, discerner et reconnaître. Comme exemples nous pourrions citer le drapeau national et le logo d’une entreprise.

Ø  Les mots présents dans une langue et qui définissent différemment d’une langue à une autre des actions, des objets, des biens, etc.

Ø  Les habits qu’on surnomme traditionnels ou folkloriques,

Ø  Les coiffures qui signifient aussi bien la manière d’arranger ses cheveux et les différents types de chapeaux,

Ø  Les mets qui caractérisent l’alimentation dans les parties du monde,

Ø  L’histoire qui caractérise chaque pays,

Ø  Les légendes qui sont des histoires de l’Histoire et dont on ne retrouve pas, ou plus, traces dans les écrits, avec leurs héros, et que l’on fait souvent revivre à l’écran,

Ø  Etc.


DU MULTICULTURALISME A L’INTERCULTURALISME.

Parce que mondialisation, internationalisation et globalisation imposent une présence physique des entreprises (à travers leurs produits, leurs marques, leurs filiales ou leurs représentants) apportent avec elles leur conception d’un management qu’ils considèrent le plus approprié. Cependant, les individus vivant dans un même concept culturel, donc différent de celui des entreprises étrangères, s’organisent d’une manière différente, tentant d’allier leurs habitudes à des impératifs nouveaux.

 D’où ce choc continuel des cultures et des concepts, car il est nécessaire de comprendre que le dynamisme des entreprises occidentales dans l’optique travail et vie est en opposition constante avec celle vie et travail des entreprises d’autres pays du monde.

 D’où l’envie de changer le monde pour mieux répondre aux objectifs des entreprises s’installant à l’étranger. La question que se pose Stéphanie THIEYREV (2011) dans son article « Multiculturalisme versus interculturalisme : quelle approche adopter en management des organisations ? » reste une question de forte actualité pour ces entreprises : « Comment gérer d’un point de vue humain l’adaptation des employés à un contexte de travail international et l’optimiser ? ». Nous pourrions aussi poser une question conséquente : « Qu’est-ce que cela apportera à ces individus de vivre le modèle des autres ? N’y aura-t-il pas refus et rejet de concepts contradictoires entre l’un et l’autre ? Une fois de plus, le choc des cultures est apparent.

 Le multiculturalisme, ou pluralisme des cultures, est un état de fait importé par les échanges économiques. Il traite principalement de cette diversité culturelle si présente aujourd’hui, la coexistence, parfois tendue, d’entités diverses, sinon distinctes, mais en considérant la dominance de la culture présente et appliquée par les entreprises.

 Comme le dit si bien Martine ABDALLAH-PRETCEILLE (2004)  « L’individu est d’abord, et essentiellement, un élément du groupe. Son comportement est défini et déterminé par cette appartenance. L’identité groupale prime sur l’identité singulière. L’accent est mis sur la reconnaissance des différences ethniques, religieuses, migratoires, sexuelles, etc. Le multiculturalisme additionne des différences, juxtapose des groupes et débouche ainsi sur une conception mosaïque de la société. Ce modèle additif de la différence privilégie les structures, les caractéristiques et les catégories. Le multiculturalisme, tout en reconnaissant les différences, s’arrête en fait à une structure de cohabitation, de coprésence des groupes et des individus. Cette structuration est potentiellement conflictuelle, car les relations inégalitaires ne sont pas remises en cause. »

 L’interculturalisme résulte de la relation et de l’interaction entre cultures diverses apportée par des individus d’origines différentes. Il pourrait, à la limite, être considéré comme une autre possibilité de traiter les conflits potentiels inter-cultures.  Ainsi, le pluri, le multi et l’inter sont des préfixes de même signification appliquée aux concepts culturels existants dans un même groupe ou dans une même nation. L’approche gestionnaire interculturelle doit se baser sur une profonde compréhension d’une échelle polycentriste culturelle pour éviter, dans la mesure du possible, le dilemme pouvant résulter de donner plus d’importance à l’individu lui-même plutôt qu’à ses caractéristiques culturelles.

 Quelle serait, alors, le rôle de la médiation dans ce contexte de multiculturalisme autant que dans celui de l’interculturalisme ? Il serait le même sous une forme d’ingénierie relationnelle dont l’objectif est de comprendre pour communiquer et faire comprendre, puis de communiquer pour faire comprendre et faire accepter.
 

LA PROBLÉMATIQUE DE LA MÉDIATION DANS LA DIVERSITÉ CULTURELLE

Le monde d’aujourd’hui voit la confrontation permanente des individus et des peuples qui pensent, ressentent et agissent de façon différente. Que ce soient une intra-confrontation ou une inter-confrontation, les problèmes auxquels ils doivent faire face ne peuvent se résoudre que par la communication, la compréhension et l’acceptation de l’entité des autres et la coopération dans la recherche de solutions. « Le concept de diversité culturelle, à l’instar de celui de biodiversité, va plus loin en ce qu’il envisage la multiplicité des cultures dans une perspective systémique où chaque culture se développe et évolue au contact des autres cultures ».

 Pour certains, la diversité des cultures est un fait observé, c'est reconnaître la diversité des comportements humains, la manière de penser ou d'appréhender le monde.

 l s’agit principalement de faire face aux diverses menaces qui guettent la civilisation moderne, particulièrement par la montée d’idéologies politiques ou religieuses agressives. Ce qui sous-entend que la recherche de terrains d’entente nécessite inévitablement de comprendre ces différentes façons de penser, de ressentir et d’agir. Une des raisons pour lesquelles tant de solutions ne fonctionnent pas, ou sont inapplicables, est que les parties en présence font très peu cas du mode de réflexion et de la culture des autres. D’où, une position et un comportement dominant, parfois agressif et teinté de mépris, sans que cela n’entraine, ou n’impose, nécessairement une attitude de soumission de la part de la partie adverse.

Ainsi, « L’émergence de la médiation culturelle témoigne d’un nouveau mouvement de société qui ne se base plus sur la hiérarchisation et la séparation, mais sur l’égalité et la rencontre ».

 Durant toute une vie, l’individu ne cesse d’acquérir des connaissances qui changent son comportement, sa manière de penser, sa manière de voir les choses et d’aborder les problèmes courants. Il est donc constamment soumis à l’apprentissage et à l’assimilation.

 Pourrait-on, dans cet ordre de choses, considérer le comportement de l’individu comme résultant de programmes culturels acquis, qui se suivent, s’annulent et se remplacent ? Existe-t-il une cannibalisation des connaissances ? Quelle est la place des préjugés issus de l’ignorance, de la mauvaise et faible connaissance, du pédantisme ou des autres dimensions existantes ? Une chose est certaine : la culture se régénère continuellement. Elle s’autogénère, elle s’autoproduit.    

 Ce qui  pousse à considérer que la modélisation culturelle de l’individu est façonnée, si le terme est permis dans ce contexte, par l’influence directe et indirecte de l’environnement social dans lequel il évolue, qu’il fût familial, résidentiel, professionnel ou même naturel et géographique.

 A cela s’ajoute l’expérience que tout un chacun développe au fil des années. Mais serait-il judicieux d’émettre l’idée que face à un même problème, les individus d’un même environnement, soumis aux mêmes facteurs d’influence et ayant une culture en partie partagée et commune, réagiraient tous de la même manière ?

Ø  Oui, si les mêmes valeurs et les mêmes croyances sont en jeu. Ce qui différera sera indiscutablement l’intensité de leur intégration et de leur participation dans la vie quotidienne, suivant le degré de conviction acquise. Il faut noter à ce propos que l’incertitude agit. Une même culture peut ne pas être interprétée de la même façon par les membres d’une même entité sociale car chacun s’est fait une perception personnelle de ce qui l’entoure et s’explique les phénomènes présents suivant son niveau d’éducation, ses expériences passées et ses connaissances. C’est le problème entre le rationnel et l’instinct.

Ø  Non, si les apports de connaissances sont issus d’environnements épars et divers. C’est, ici, le réel problème de l’interculturel, de ses propres dimensions et de ses propres relations internes. Ainsi, si A est une vérité certaine dans une dimension X, que vaut-elle dans la dimension Y, Z… etc. ? Que dire alors des entreprises multinationales qui gèrent des ressources humaines polyethniques dans une dimension monoethnique ? Et que dire de celles qui gèrent ces ressources humaines dans une dimension internationale monoethnique ?

Notons, enfin, que la culture est un processus d’acquisition continu et tout groupe ne peut se passer  de culture, la curiosité est cette force catalysatrice de son évolution. L’absence de culture est aujourd’hui inconcevable.

 C’est pourquoi la médiation joue un rôle si crucial dans ce que l’on nomme aujourd’hui la diversité culturelle et la diversité interculturelle. En fait, pourrait-on simplifier cette problématique en proposant à la médiation un rôle dans la richesse des connaissances et du savoir ? Dans la richesse de la Culture ? Dans la construction du savoir universel ?


LA MÉDIATION DANS LES DIMENSIONS CULTURELLE ET INTERCULTURELLE

 Pour dessiner le cadre de ce titre, nous nous contenterons de définir :

 Ø  La dimension culturelle sous deux orientations significatives : la culture monoethnique, c’est-à-dire la culture relative à un seul groupe, ou à une seule nation et la culture polyethnique c’est-à-dire la culture générale, telle qu’on la conçoit de nos jours,

Ø  La dimension interculturelle dans l’orientation de la rencontre des cultures et de la conception de la civilisation sous l’angle des dimensions culturelles réunies.

La médiation, de par sa fonction, ses conséquences et son impact, remet en cause la perception des sous-cultures qui composent la Culture, leur système de valeur, leur perception, leur refus ou rejet, leur compréhension et leurs pratiques. On pourrait alors redéfinir la médiation culturelle comme une conciliation entre dimensions de valeurs, d’habitudes, de coutumes et de croyances.

Pour cela, elle doit être une source de communication constante dans un concept relationnel :

Ø  Relationnel entre composantes de la culture

Ø  Relationnel entre participants à une rencontre culturelle ou économique

Ainsi, la réussite d’une médiation pourrait être considérée en termes de liens créés, établis ou repris, entre les individus en présence autant qu’entre les facteurs, les intérêts et les enjeux  impliqués. L’important est d’avoir attiré l’attention sur des approches et des solutions différentes, qui existaient auparavant mais éclipsées par les tensions du moment, et enclencher, par suite, une écoute concentrée sur des points nouveaux. Or, écouter consiste à faire cinq choses à la fois :

    Ø  Entendre : Recevoir un son, donc identifier une source d’émission de messages. Ici, se pose le problème de la crédibilité de cette source. La médiation pourrait agir en tant qu’agent de références et de vérification. Elle assurerait un arbitrage de certitudes.

Ø  Identifier : Reconnaître le sujet des messages émis. De quoi parle-t-on ? Ici, aussi, se pose le problème de la véracité et de la certitude de l’information. Dans ce cas précis, la médiation aura un rôle de traducteur dans le sens où le sujet devra peut-être être expliqué sous des termes différents mais plus accessibles.

Ø  Mémoriser : L’information arrive avec une certaine quantité de détails. Il s’agit de retenir des points, des arguments de position afin d’entretenir la communication et d’argumenter ou de contre-argumenter pour atteindre un objectif personnel ou commun. La médiation portera surtout sur ce dernier point.

Ø  Comprendre : Associer l’information reçue à ce que l’on sait déjà. Si l’ensemble est homogène et conforme au savoir acquis, la continuation des discours en est renforcée et les résultats s’annoncent assez positivement. Par contre, quand l’ensemble est hétérogène, contradictoire ou en opposition totale, les discours s’arrêtent, la tension monte, la rencontre avorte. La médiation jouera alors le rôle de facilitateur dans la reprise des échanges.

Ø  Agir ou réagir : Accepter ou refuser ce qui a été dit ou proposé. Accepter, c’est donc aller vers un accord. Refuser, c’est souvent contre-argumenter ou contre-proposer. De là, une escalade d’arguments émerge et crée une tension parfois difficile à maîtriser. C’est là qu’un visage de la médiation apparaît : celui de conciliateur ou, éventuellement, de réconciliateur. Elle réside donc, dans l’effort mis à replacer une information en fonction des intentions de l’un par rapport à la compréhension de l’autre.

 « L’un des premiers facteurs[3] à l’origine du blocage des conflits est la prise de position (c’est à dire souvent une demande ou un refus concernant un problème donné). Outre le fait de bloquer la situation, la prise de position accompagne le franchissement des étapes de l’escalade conflictuelle. La prise de positions est généralement relayée par des arguments avancés par les parties à l’appui de cette position. Malheureusement, chaque argument appelle un contre argument contribuant au piège de l’escalade. Face à la résistance de l’autre (à laquelle chacun contribue), l’argument se transforme progressivement en menace ou attaque personnelle ».  

 Le médiateur (donc le conciliateur) doit amener les interlocuteurs à découvrir la part de la vérité comme la part de l’erreur, ainsi que les éléments de solution qu’ils portent en eux sans toujours le savoir ou sans pouvoir le dire.” (GUILLAUME-HOFNUNG 2007: 86)

 La médiation dans la dimension de culture

La culture a-t-elle besoin de médiation ?

Ø  Oui, quand la dimension culturelle intègre de nouvelles données qui peuvent entrer en conflit entre elles, ou avec celles déjà existantes, par cause d’interprétations diverses, faussées parfois.

Ø  Oui encore, quand il s’agit de propager cette dimension dans la dimension interculturelle,

Ø  Oui enfin, quand elle est confrontée à des préjugés établis sans références ni expérimentations,

Ø  Non quand elle est claire et conforme à des perceptions solidement ancrées dans l’esprit des individus.

 Mais une seconde question se pose, issue de la première : la médiation a-t-elle besoin de culture ?

 Sophie MANDELBAUM[4] (2008) remarque encore que « Du conflit à la culture : la prise en compte des représentations sous-jacentes. Outre ces dimensions, il est fréquent que les parties aient aussi des manières différentes de voir ou d’interpréter une même situation. Dans ce cas, les certitudes et croyances correspondantes peuvent être un obstacle tant qu’elles n’ont pas été travaillées voir recadrées. Il peut s’agir de multiples facteurs limitant leurs perceptions (et donc favorisant des interprétations différentes), mais aussi de valeurs ou manières de penser plus ou moins conscientes. C’est à ce niveau que la culture nous semble jouer un rôle primordial en médiation ».  

et

« Une première manière d’examiner le rapport entre culture et médiation peut consister à rechercher comment le facteur culturel y est pris en compte ».


LA PROBLÉMATIQUE DE LA MÉDIATION DANS LA DIVERSITÉ INTERCULTURELLE

 « Mise en œuvre en contexte interculturel, la médiation a pour but d’établir ou de rétablir la communication entre des individus de différentes origines culturelles. L’objectif étant que cette transformation favorise l’ouverture et rende possible le dialogue entre ces personnes d’origines différentes afin qu’ils parviennent à une connaissance réciproque » (n.d.).

L’interculturalité est plus que la coexistence des cultures. C’est un processus de communication entre personnes de cultures différentes, au cours duquel les deux individus ou groupes en présence, conscients de leur altérité, découvrent des équivalences dans leurs comportements et leurs manières de voir le monde. Ils construisent progressivement un rapport de réciprocité par le jeu des échanges, des comparaisons et des équivalences puisés dans les systèmes culturels en présence.” (GUILLBERT, 1991: 82)

 La médiation dans la dimension de l’interculturel, joue surtout le rôle de l’agent de liaison. Elle doit particulièrement faire attention aux spécificités des cultures et de leur interprétation, afin de pouvoir construire les ponts relationnels entre les dimensions culturelles présentes, en accord, en opposition ou en conflit. On lui accorde souvent le qualificatif de traducteur d’une culture à l’autre, car elle transpose souvent un savoir d’une dimension vers une autre avec l’argumentation nécessaire pour, une fois de plus, faire comprendre et faire intégrer.

Il est donc impératif que la médiation soit cultivée dans le sens où elle doit connaître et savoir suffisamment pour remplir sa fonction de canalisateur d’énergie du savoir.

 Les enjeux de la diversité culturelle

Nous emprunterons au gouvernement canadien le texte suivant résumant les enjeux de la diversité culturelle :
« … des expressions culturelles mondiale peuvent se résumer ainsi : l'évolution du cadre normatif du commerce international, qui forme pour ainsi dire l'ossature de la mondialisation économique, tend de plus en plus à remettre en cause le rôle de soutien que jouent actuellement les États et les gouvernements en matière de culture au profit des populations qu'ils représentent.

L'abandon de ce rôle, qui se concrétise actuellement par des politiques culturelles et diverses mesures de soutien à la culture, entraînerait l'application des seules règles du marché au secteur culturel. Cette situation serait synonyme d'une homogénéisation des cultures au profit d'un modèle culturel unique, fondée sur une logique purement économique et commerciale qui exclurait l'expression des cultures « moins rentables » ou ne disposant plus des ressources et des mécanismes de soutien nécessaires à leur expression.

 Cette menace n'est perceptible que dans la mesure où on considère que la culture n'est pas une simple marchandise. Or, le gouvernement du Québec considère que les biens et services culturels jouent un rôle déterminant, au Québec comme ailleurs, à l'égard de l'identité des peuples, de la cohésion nécessaire à toute société, de la vie démocratique, et même, de plus en plus, du développement économique lui-même. Car il ne s'agit pas de nier que les biens et services culturels puissent être l'objet de commerce, il s'agit de faire reconnaître qu'ils ne peuvent être soumis aux règles usuelles du commerce.

Les enjeux de la diversité des expressions culturelles se situent donc dans l'interface qui met en présence, d'une part, l'évolution du cadre réglementaire du commerce international et, d'autre part, les politiques culturelles et les diverses mesures de soutien que les États et les gouvernements adoptent pour soutenir la culture au profit de leurs populations. »   

Influence de la technologie

La dernière grande innovation qui a ré-orienté la civilisation c’est, bien entendu, les nouvelles technologies de l’information et de la communication. On le dit chaque jour et pas un article ne parait dans la presse, ou n’importe quel écrit, sans en parler ou, du moins, y faire allusion.

Ainsi, grâce à elles, le monde est plus petit et à travers le petit écran d’un ordinateur, l’individu voyage autour du monde. Pour les entreprises internationales, ou même multinationales, ces technologies ont raccourci le temps des transactions et des contacts. Pour l’individu en quête de savoir, elles ont raccourci le temps de recherche et d’acquisition.

L’information est donc instantanée et la notion du village mondial de Marshal Mc LULHAN paraît tout à fait à sa place. L’innovation voyage plus vite et l’individu se rend de plus en plus compte des points culturels qu’il partage, sans le savoir, avec d’autres individus appartenant à des dimensions nationales et culturelles différentes.

Au fond, quand on réfléchit à l’espace de la culture et de l’information actuel, avec tous les moyens dont on dispose, on est en droit de se poser deux questions qui prêtent à argumentation ; « Qui invente quoi ? Est-on les seuls à penser, à imaginer ou à concevoir quelque chose ? » On se souviendra du premier qui l’a dit, du premier qui l’a écrit ou du premier qui l’a fait. Mais, dans ce village mondial, est-il le seul à y avoir pensé ?

Ceci entraîne à dire que la pensée et l’écrit donnés par tout individu académique ou non, professionnel ou non, représente une source de valeur inestimable dans la manière d’appréhender la façon dont la diversité est perçue. C’est ici que réside la richesse de l’interculturel.

En conséquence directe, le changement apporté, intégré de gré ou de force tant bien que mal, devient un leitmotiv constant. Changer ou disparaître devient la règle du jeu. Ainsi, la transition du culturel vers l’interculturel affecte toutes les couches sociales, professionnelles et mêmes intraculturelles. Ceci entraîne l’acquisition d’une pensée réflective nouvelle, des pratiques analytiques différentes et impose l’application de nouveaux rituels. Cette transition affecte donc l’ensemble des comportements, fussent-ils d’un individu, d’un groupe homogène ou hétérogène et de l’entreprise qui se veut apprenante, intelligente et innovatrice.

 Ajoutons à ce qui vient d’être dit que cette transition doit être considérée comme un fait inévitable et immuable. Il est donc possible de faire évoluer toute identité culturelle vers l’horizon de l’interculturel, peut-être plus profitable et plus enrichissant. Ceci n’implique pas que ce soit une opération aisée à mener.

 Ainsi, pour transiter le plus aisément possible, il est nécessaire de faire appel à une force créatrice continue. On pose une fois de plus la problématique de l’intelligence et de la médiation.


IIe PARTIE : PART DE L’INTELLIGENCE DANS LE CONCEPT DE MÉDIATION

Afin de pouvoir trouver des réponses à des questions, des solutions à des problèmes ou, encore, trouver le meilleur moyen de régler des conflits avec suffisamment de délicatesse, la médiation est avant tout affaire d’intelligence.

 II – 1   INTELLIGENCE CULTURELLE ET CONCEPTION DU MONDE

Nous emprunterons à Maud LOUVRIER-CLERC, les points suivants :

 « L’intelligence culturelle peut s’appréhender avec deux conceptions du monde, radicalement différentes :

1 - Le monde n’est-il qu’un rapport de force ? Cette vision, remise sur le devant de la scène après l’écho international du livre de Samuel Huntington «Le choc des civilisations» et quelques géopoliticiens, entraîne un champ lexical «guerrier ». La culture y devient un simple instrument de puissance, d’hégémonie… Cette relecture occidentale des sphères d’influence culturelle (avant-hier grecque, puis romaine, bientôt espagnole, portugaise, française, anglaise puis américaine… demain chinoise) nous éclaire sur les fondements de cette approche : le malthusianisme et la peur. La finitude du monde obligerait les peuples à imposer leur culture pour survivre.

 2 - Le monde n’est-il pas au contraire un extraordinaire foisonnement de cultures à découvrir et à valoriser ? Ainsi, et comme cela a été souligné plus haut, la rencontre des peuples, depuis l’époque du simple troc jusqu’à la globalisation d’aujourd’hui, a permis la rencontre des cultures et chacune d’entre elles a apporté ces différentes qui caractérisent l’interculturel.

Combien d’exemples parlent d’eux-mêmes ? Ils reflètent l’efficacité à long terme de ces approches, et combien cette vision apaisée du pluralisme est à la source d’une valorisation de la diversité culturelle. Loin de prendre une posture d’attaque ou de défense, cette approche reconnaît nos différences culturelles, l’identité de l’autre (étape 1 : la prise de conscience et la reconnaissance). Cette reconnaissance, fondée sur le respect et l’écoute, permet la rencontre d’où le dialogue entrainant inévitablement le développement durable.

Renaud DONNEDIEU DE VABRES, ancien Ministre de la culture, président d’Atout France, met en exergue l’importance de cette prise de conscience « En reconnaissant nos différences, nous nous rendons compte des liens qui nous unissent des interactions mutuelles qui développent nos capacités d’échange, socle de paix ».

 Philippe LUKACS dans son livre « Stratégie pour un Futur Souhaitable » confirme que le succès mondial des entreprises est lié à une innovation mis au service du sens. Les innovations porteuses d’un futur souhaitable, fondée sur une logique de développement durable, sont devenues la clé de la réussite commerciale à l’international.

Cette autre conception de l’intelligence culturelle, loin de transformer la culture en simple instrument d’influence, permet via la reconnaissance de la diversité culturelle un enrichissement mutuel des peuples où chaque culture, identité, territoire, langue… sont conviés à rayonner. »

II – 2   INTELLIGENCE CULTURELLE, INTELLIGENCE INTERCULTURELLE ET MÉDIATION

En nous référant au glossaire des qualificatifs multidimensionnels de l’intelligence, constitué par l’auteur, l’intelligence culturelle et l’intelligence interculturelle avaient été définies de plusieurs manières. En reprenant certaines de ces définitions, du moins les plus appropriées à cet article, il serait bon d’examiner, et peut-être d’analyser, dans quelle mesure la médiation pourrait apporter un renforcement à l’action produite par ces formes d’intelligences.

II – 2 – 1         L’Intelligence Culturelle est  la faculté de faire émerger des connaissances au départ de déductions, d’inductions ou de conclusions issues de recherches ou d’analyses de connaissances déjà acquises.

 Si l’acquisition de connaissances, et de savoirs conséquents, est issue de différentes déductions, d’inductions ou même de conclusions tirées de cette acquisition, la médiation, devenant médiation culturelle, ou médiation intra-culturelle,  l’objectif serait de créer des liens entre différentes entités de connaissances qui paraissent n’avoir aucune relation entre elle. C’est-à-dire que la médiation va :

 Ø  D’une part, isoler les points de convergence et les relier dans une même dimension afin de donner du sens au savoir,

Ø  D’une autre part, déterminer avec suffisamment de précision les points de divergence afin de tenter de dissocier ce qui pourrait devenir convergent de ce qui resterait une dissimilitude entre des données opposées ou contradictoires.   

 On assisterait donc à la création de relations interdimensionnelles, et certainement pluridimensionnelles, où la médiation aurait pour objectif principal d’établir des liens de composition. Si l’enjeu principal reste, rappelons-le, l’acquisition d’un savoir, pilier crucial de l’évolution de la culture, le but ultime de la médiation est de provoquer sciemment une rencontre entre concepts de culture « dans laquelle l’objet culturel final n’est plus une finalité en lui-même mais un prétexte au dialogue, à l’implication. En deux mots, à l’appropriation et à l’échange (MAMANE R., n.d.) ».


II – 2 – 2         L’Intelligence Culturelle est la fonction qui permet de faire appel à sa culture pour résoudre un problème en transposant l'acquis.


« Il faut apporter de la pertinence et pour cela structurer l’accès à la connaissance en fonction de la diversité des besoins et des situations (MOREAU 2012) ». L’évolution de la connaissance, donc du savoir, se heurte aux difficultés rencontrées dans la gestion des informations que récolte toute entreprise de ses enquêtes, recherches et analyses. Les systèmes de classifications requises par un tel projet doivent considérer d’une part l’apport des informations issues des ressources humaines, capital inestimable d’idées pratiques et d’expériences diverses, et, d’une autre, capitaliser ce qui est apporté par l’externe. La troisième difficulté rencontrée est celle de savoir comment rejoindre ces deux sources pour pouvoir constituer un schéma de travail efficace. Notons, au passage, deux obstacles majeurs auxquels la médiation doit faire face :

 Ø  La validité de l’information dans le temps : ce qui est aujourd’hui, le sera-t-il encore demain ?

Ø  Les sources de référence traditionnelles ont perdu de l’influence au détriment d’une masse de contributeurs. Trop d’information tue l’information. Trop de connaissances empêchent l’action de se faire et bloque tous les moyens : que faire avec tant de données ?

 Devrait-on faire appel à un comité mixte formé de partenaires sociaux, de partenaires économiques et de managers afin de trouver les moyens permettant de profiter jusqu’au moindre détail, de la richesse des connaissances acquises ? Dans ce cas, il est indispensable que l’intelligence relationnelle agisse et régisse les relations qui doivent s’établir entre les personnes concernées, entre les connaissances acquises et, finalement entre personnes et connaissances. Il faudra auparavant, décider du type d’investissement à prévoir en temps et en argent.

 L’intelligence relationnelle sera le médiateur adéquat sous le visage du créateur de liens culturels basés sur les critères communs qui caractérisent chaque dimension culturelle.
 

II – 2 – 3         Capacité de fonctionnement et d’adaptation d’un individu dans un contexte situationnel caractérisé par une diversité culturelle.


On parlerait facilement, dans la définition présente, du problème de l’intégration. Ce problème met en évidence plusieurs points d’importance :

 Ø  Intégrer un nouveau venu dans une équipe de travail, ou dans un groupe quelconque. Ce dernier arrive avec une culture sociale et professionnelle qui lui est propre. Il lui faudra surmonter, parfois avec difficultés, la confrontation inévitable entre elle et celle de ses co-équipiers, d’un côté, et, de l’autre, avec celle de l’entreprise où il s’intègre. La perception des choses et des moyens, même si les objectifs sont les mêmes ou se ressemblent, entre en conflit avec ce qui est et ce qui régit.

 Ø  Intégrer un étranger dans une équipe cohérente. Il aura cette impression désagréable d’être la boule blanche dans un jeu de billard. Quand on dit étranger il faut comprendre par ce terme, deux points essentiels : soit le nouveau vient d’un pays différent, d’un continent différent à la limite, soit il arrive d’une activité professionnelle n’ayant aucun rapport avec celle qu’il rejoint. Dans le premier cas, il apporte avec lui une manière de penser et de concevoir tout ce qui l’entoure très hétéroclitement. Dans le second, il rapporte un concept différent de la conduite des choses. Autant de conflits d’adaptation et de comportement inexplicables à première vue, mais nécessaire en seconde. L’entreprise a fortement besoin d’élargir sa manière de penser ses activités extraterritoriales.

 Ø  Intégrer un individu dans une équipe de travail déjà caractérisée par une pluralité culturelle agissante. Cette équipe est déjà constituée par des membres venus d’horizons divers, fussent-ils culturels, éducatifs, professionnels, ethniques, idéologiques religieux ou politiques, raciales, etc. Encore une fois, faire face à autant de raisons de conflits et d’inadaptabilité. C’est donc ici que la médiation concentrera tous ses efforts. Tous les rôles lui seront permis dont principalement celui de stimulateur de cohérence et de cohésion. Une forte responsabilité pour des résultats continus dans l’espace et le temps.

 Intégrer donc un nouveau venu, c’est donc accepter l’intégration du nouveau, de l’innovant, du bouleversant parfois, mais surtout accepter les dangers des conflits. C’est surtout accepter l’abandon d’habitudes qui rouillent et qui freinent par manque de nouveau sang. En un mot, accepter le changement. D’où le rôle primordial de la médiation dans sa fonction de facilitateur, de coach et d’animateur du nouveau.

Cependant, le fonctionnement et l’adaptation d’un individu dans un contexte situationnel caractérisé par une diversité culturelle fait aussi face à d’autres impératifs, non moins importants. Le plus marquant de ces impératifs reste l’imposition, sinon le partage, d’une vision commune. L’entreprise, en choisissant sa culture qu’elle va traduire dans ses actes, ses produits et ses marques, va la diffuser avec suffisamment d’impact pour se faire connaître et comprendre, auprès de ses publics interne et externe. Elle va donc mobiliser toutes les ressources et forces nécessaires pour mobiliser son entourage à la réalisation de la qualité de vie qu’elle conçoit pour ses marchés. Il faudra que cette culture, et surtout la vision de l’ensemble des valeurs et des croyances qu’elle comporte, soit suffisamment explicite pour qu’elle crée une adhésion totale de tous.

Rappelons-nous que faire comprendre, c’est faire accepter pour faire agir. Ainsi, concevoir une compréhension commune relève de pouvoir établir un jugement de valeur du comportement voulu, sur une finalité pluriculturaliste.

 La médiation n’aura plus qu’à élaborer des liens de compréhension collective d’une même vision. La difficulté rencontrée tiendra beaucoup plus dans l’évitement du choc culturel apporté.


II – 2 – 4         L’Intelligence Culturelle est l’aptitude à reconnaître les croyances, les valeurs, les attitudes et les comportements communs des membres d’un groupe et, ce qui est plus important encore, la capacité d’appliquer efficacement cette connaissance à la réalisation d’un but précis  ou d’une gamme d’activités.

Les différences ethniques reposent souvent sur des arguments infondés de l’incompréhension de supériorité ou d’infériorité culturelle. Ainsi, nous pourrions poser une nouvelle question sur des conflits potentiels de culture imposés par la diversité ethnique « La diversité des cultures peut-elle représenter un danger dans l’évolution de la civilisation» ? On serait tenté de dire oui quand on se rend compte qu’aujourd’hui une révolte culturelle idéologique transparait dans les conflits qui secouent le monde.

Les conflits, cependant, semblent avoir changé de nature. Ils sont devenus plus idéologiques, d’un côté, mais, d’un autre, plus revendicatifs quant à des intérêts personnels (qualité de vie, revenus, etc.) ou communautaires. S’il y a quelque part contestation, il y a aussi prise de conscience d’une identité culturelle que l’on veut imposer comme universelle. Il s’agit de défendre, et de propager dans la mesure du possible, cette identification à des valeurs, des croyances, des traditions, une morale de comportement distinct. Parce que la culture est une richesse et une valeur humaine qui dicte les comportements, le conflit apparait dans toute sa force quand la perception des codes de vie commune n’est plus considérée comme un partage possible ni comme une fusion bénéfique.

 En tant que dimension culturelle un individu reste tout à fait unique et identifiable, mais  quand il commence à partager des caractéristiques avec d’autres êtres humains, il crée par là-même des liens interculturels, interhumains et intersociaux. Il devient membre et perd sa distinction individuelle. Une fois de plus le nous se substitue au je. Le conditionnement social ajoute à la mauvaise fortune de l’individu, le rejet de sa différence si ce n’est de son identité.


II – 2 - 5         L’Intelligence Interculturelle est la capacité d’une intelligence à créer des liens ou des relations entre des cultures d’origine différentes.

Sans revenir sur la question de la globalisation, nous devons considérer que les relations humaines, sociales, professionnelles, culturelles et interculturelles qui en découlent ne cessent de se multiplier. L’obligation des parties en présence, venant d’horizons différents, de se comprendre, impose aux uns et aux autres de se découvrir, de se comprendre et de se faire comprendre.

Si les interlocuteurs pensent en fonction d’intérêts de diverses natures, elles ne pensent pas en fonction d’une même culture, mais plutôt en fonction d’une sous-culture façonnée par l’expérience et la croyance personnelle. Le problème de l’intraculture dans une même dimension culturelle crée une interaction pertinente refus-rejet-acceptation-interprétation-intégration.

 Ainsi, l’interprétation des comportements, des intonations de voix ou de tout autre critère de la personnalité des individus, peut souvent être mal perçu quand une partie tente de comprendre l’autre en fonction de sa propre culture. Il faudrait, pourrait-on dire, adopter un comportement acculturel afin de ne pas donner ni de fausses impressions ni d’orienter vers des je crois ou des je suppose. Il s’agit d’être clair, net et précis dans son discours autant que dans son approche.

Claudine KORALL, (n.d.) dans son article sur « Le Même et l’Autre : pour un peu plus d’intelligence interculturelle » souligne qu’« Il est habituellement facile pour une personne d’interagir avec son groupe d’origine … car nous partageons, sans le définir, un arrière-fond culturel ». Cependant, l’intradiversité culturelle reste malgré tout, omniprésente car chacun perçoit et interprète ce qui l’entoure d’une manière qui lui est propre, tout en gardant des points communs avec son groupe.

Il est donc important de définir avec suffisamment de précision ce que nous appelons ressemblances et ce que nous reconnaissons par dissemblances. Dans le premier cas, il serait facile d’identifier ce qui est commun ou ce qui se rapproche fortement. Par contre, dans le second, le processus est moins aisé et plus apparent : ce qui oppose, ce qui est contraire, ce qui paraît contradictoire, etc. Dans ce cas, le jugement se porte en fonction d’une dimension par rapport à une autre. D’où l’erreur d’engagement de la compréhension.

Il serait donc plus simple, sinon plus profitable, d’établir un argumentaire comparatif d’une dimension culturelle à l’autre. Chacune étant comprise dans son espace d’existence, la comparaison pourrait faire émerger ce qui pourrait être commun et quels pourraient être les liens possibles à établir entre les points de divergence. Repérer les similitudes existantes reste une action favorable à la relation, facilitant de surcroît la transition culture-interculture.

 « Il ne s’agit pas de juger le bien-fondé des démarches ni du mode de comportement de l’autre mai d’éviter les frictions, les impairs et les heurts ».

 C’est là où le rôle de l’intelligence interculturelle est important, sinon primordial : pouvoir réunir dans un même contexte, dans un même espace, les dissemblances ressemblantes. L’intelligence interculturelle agira donc en tant que facilitateur de rencontre et de médiateur de convergence.


II - 3    INTELLIGENCE MÉDIATIVE ET INTELLIGENCE MÉDIATRICE

En premier lieu, et pour mieux cadrer l’ensemble de cet article, nous nous proposons de développer ce paragraphe en nous basant sur les définitions suivantes :

      Ø  Intelligence Médiative : capacité d’une forme d’intelligence à concevoir des critères de liens utilisables en gestion des conflits ou en planification de rencontres interculturelles de types économique, sociale ou culturelle.

Ø  Intelligence Médiatrice : capacité d’une forme d’intelligence à appliquer des concepts ou des moyens permettant de résoudre soit des conflits, soit des dissensions, soit des différences afin de permettre à des parties d’arriver à des accords bénéfiques.

 En second lieu, reprenons ce qui a été dit dans l’introduction de cet article : « Nous pourrions de premier abord dire ce qui suit : litige et différend sont des termes mettant en relief un désaccord sur un ou plusieurs points lors d’une rencontre ou d’une négociation. Cependant, que ce soit une rencontre ou une négociation, l’objectif reste d’atteindre un résultat. Les enjeux sont importants à des niveaux différents, les intérêts aussi. Il y a donc nécessité de faire appel à une troisième entité, ou personne, un modérateur, un intermédiaire, un animateur, un facilitateur… un arbitre ».

Dans quelles mesures la médiation sous ses formes d’intelligence médiatrice et médiative  peuvent-elles agir dans les dimensions de dissemblances, d’opposition, de contradictions, de conflits, de litige et de différends ?

Il ne peut y avoir de situations où tout se passe bien. Il serait utopique de le croire, car chacune d’entre elles est caractérisée par des systèmes de valeur et d’évaluation qui lui sont propres. Si tout va bien, c’est qu’il y a convergence de tout. Il serait bon aussi, d’ajouter que les objectifs et les intérêts présents sont en grande majorité divergents. Si les opinions convergent, si les objectifs sont communs, la manière de faire et les moyens choisis peuvent être objets de divergences importantes pouvant, à la limite, remettre en question l’ensemble des accords proposés, sinon la rencontre elle-même.

 Trois types de situations peuvent se  présenter :

      Ø  Les situations où tout va bien. Elles sont rares, mais elles peuvent exister. En exemple, nous pourrions citer les commissions  nommées  par les Nations Unies et la Ligue Arabe dans le règlement de la crise syrienne.

Ø  Les situations où de fortes dissensions existent quant à des objectifs, des intérêts et des moyens à mettre en place. Le même exemple pourrait être cité en considérant qu’au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Chine et la Russie se sont opposées aux propositions de sanctions proposées par ce Conseil (février 2012).

Ø  Les situations où rien ne convergent.

Dans de telles situations, quelle pourrait être la participation de l’Intelligence Médiative et de l’Intelligence Médiatrice?

 Elle est naturellement évidente dans la crise du printemps arabe que vivent les peuples du Maghreb et du Mashrek depuis 2010 :

La première aurait dû permettre aux nations arabes de réfléchir sur une éventuelle propagation du printemps arabe (Tunisie 2011), que beaucoup considèrent comme une volonté populaire de tendre vers un système démocratique, se libérant ainsi d’un régime autocratique, sinon dictatorial, de longue date. D’aucun aurait pu se dire à quand mon tour ? L’égoïsme, l’égocentrisme et l’égotisme de ces régimes ont caché aux dirigeants de cette période une vérité certaine : le XXIe siècle sera un siècle de libération et d’évolution, car les conditions vers une civilisation hyperglobalisante sont en cours. L’Intelligence Médiative aurait dû être mise à l’épreuve dans une prévision d’une expansion de la crise.

La seconde est intervenue depuis le début de la crise. Si elle a donné des résultats qui paraissent positifs, elle ‘en a pas moins ouvert la porte à une situation dangereuse puisque les conséquences d’une libération d’un système sont encore chaotiques, puisqu’elles n’ont pas encore proposé de système remplaçant. La transition espérée vers un avenir meilleur, ou plus représentatif des aspirations populaires, vit actuellement des dissensions démagogiques importantes. L’Intelligence Médiatrice  voit donc son rôle passer d’un type d’inter-médiation vers un type d’intra-médiation.

 Les diverses commissions de médiation nommées par les instances internationales et arabes se sont aussi vues affrontées à un dilemme de taille : trouver des solutions en considérant et en protégeant des intérêts culturels, sociaux, économiques et politiques. Un changement de régime, ou de système politique, ne signifie pas nécessairement la disparition de forces politiques agissantes (anciennes ou nouvelles) ou d’identité culturelle, pluriculturelle, multiculturelle et interculturelle.

On en arrive ainsi à définir la problématique et le rôle de l’intelligence en crise politique, ce qui n’est pas le sujet de cet article.



CONCLUSION :

LE ROLE DE LA MÉDIATION DANS LA COHABITATION CULTURE ET INTERCULTURE

Il paraîtrait compliqué, sinon suffisamment complexe, de parler de cohabitation entre culture et interculture à cause des différents éléments qui constituent leur diversité.

 « Cependant, il existe des éléments identifiables comme représentant l’identité humaine, cette identité qui permet aux membres d’une même culture de se retrouver, de partager les mêmes principes et de se comprendre. Une identité culturelle qui fait de nous ce que nous sommes tout en influant sur notre comportement » (n.d.).

 On introduit, ici, le concept de l’identité culturelle, autant que celle de l’interculturel. Elle est ce qui fait qu’un groupe humain est spécifique dans sa dimension. Les différences qui existent entre les membres mettent en relief l’actif de critères déterminant liés aux lieux de résidence, aux idéologies actives, aux caractéristiques climatiques, éducatives et scientifiques. Il serait difficile de comparer un groupe d’individus habitant les Etats-Unis avec un autre résidant en Afrique. Aucun point commun, dirait-on. Ce à quoi nous répondrons par la négative : le seul point commun apparent est que ces deux groupes distincts évoluent en fonction d’une culture qui leur est propre. Il y a donc existence de deux dimensions distinctes  et il est nécessaire, sinon primordial dans l’action de la médiation, de créer des ponts solides, annulant ainsi l’isolement des cultures.

L’identité culturelle permet de rester attaché à un patrimoine national partagé avec d’autres, à des croyances, à des valeurs qui représente un attachement fort à une entité groupale. « Raymond CHASLE, dans son rapport à l’UNESCO de 1987, propose une explication de la notion d’identité culturelle : « L’identité culturelle est un facteur primordial de développement car elle est le moteur, la principale force mobilisatrice des collectivités. Noyau vivant de la personnalité individuelle et collective, elle est le principe vital qui inspire les décisions, les conduites, les actes perçus comme les plus authentiques ».

Elle permet donc à un individu de porter un jugement en fonction de ses propres références et valeurs sur ce qui interagit directement ou indirectement avec lui. Mais, dans quelle mesure son jugement est-il vrai et à quoi peut-il servir? Il évolue dans sa dimension propre, tel que nous l’avons souligné plus haut, et quand il se trouve confronté à une autre, soit il accepte soit il rejette. Est-il perdant ?

Ø  Oui, s’il s’entête à ne concevoir que sa propre vérité,

Ø  Non, s’il considère qu’il n’est qu’une partie d’une dimension universelle, donc ouvert aux autres.

 Notons qu’ « Il en résulte un manque d’intérêt pour ce qui n’est pas comme nous, pour un être qui a un passé différent, une histoire et une évolution différente et qui donc, puisqu’il ne peut nous comprendre, ne nous intéresse pas ».

 La culture est en éternel bouleversement à cause du contact de plus en plus étroit avec les autres cultures. Elle devient donc, par la force des choses interculture et fluctue dans un cycle continuel et ininterrompu de certitudes-incertitudes-certitudes nouvelles….etc.

De nombreuses pratiques traditionnelles, certaines habitudes sociales, des rituels spécifiques, des caractéristiques comportementales d’un groupe, sont constatés comme étant des évènements, des faits, qui composent chaque dimension de culture, et qui mettent en relief la richesse de leurs différences. Ils souscrivent aussi à la compréhension de principes jugés référentiels. 

Par contre l’identité interculturelle montre une plus grande ouverture à ce qui existe dehors. L’individu explore, découvre et sélectionne. Un autre espace s’ouvre à lui et il réalise qu’au fond son entêtement à croire à une seule vérité n’est qu’une toute petite dimension face à des connaissances jusqu’à présent ignorées. Souvent, il doit affronter le dilemme intrapersonnel de ses croyances, qui devient un conflit interpersonnel dans sa relation avec les autres membres de son groupe. Il est devenu, pour une certaine période de temps, un inconsistant culturel ou un hésitant interculturel jusqu’au moment où il prend la difficile décision d’accepter le  pluriculturalisme de  sa propre culture.

On en vient donc à penser comment faire cohabiter culture et interculture dans une même dimension. Les enjeux de la globalisation des connaissances, donc de la réunion de ce que tout l’espace de l’esprit humain possède, croit et applique, sont trop important pour laisser dépérir le savoir universel. Ignorer que les cultures s’affrontent par trop d’interprétations diverses, sinon contradictoires, serait se cacher derrière son petit doigt. Beaucoup malheureusement le font car personne n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Contradictions, oppositions, conflits, antagonismes et rivalités sont des obstacles, sinon des freins, à une osmose culturelle et interculturelle universelle. Quand une culture explose violemment par imposition aveugle d’un groupe, la résultante de ces agressions, verbales ou physiques, est un comportement de refus total et de désir de réagir plus violemment. La question qui prévaut est celle de savoir comment parvenir à établir un rapport équilibré d’acceptation entre des cultures dissemblables.

 La médiation devra jouer d’intelligence. Les situations sont délicates car la culture apporte une certaine stabilité quand l’interculture remet tout en question tout en développant cette fameuse culture hyperglobalisante.

 La difficulté de mener à bien une médiation réside dans la régulation des interactions entre toutes les cultures en présence. Elle fait appel à l’intervention d’une tierce partie indépendante et neutre. Mais qui est réellement neutre ? La médiation dans la cohabitation culture et interculture intervient dans l’intégration de valeurs et de croyances issues de l’extérieur dans une dimension générale intérieure. Il ne s’agit pas de trouver des alternatives ni des compromis, mais trouver ce qui se ressemble pour créer un espace multidimensionnel où tout se rencontre et évolue librement.

 En conclusion finale, pourrions-nous dire que la culture est une interculture dans sa dimension d’amalgames de sous-cultures et que l’interculture est une culture dans sa réunification universelle des cultures ?


 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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CHASLE R., (1987) -  Rapport et études, Division du Développement Culturel et Création Artistique, Coopération culturelle Nord/Sud – Sud/Sud ; une évaluation critique, ou, si le monde droit être sauvé, UNESCO, 1987, page 20.

DAVIS K. D., (2011) , L’intelligence culturelle et le leadership : introduction à l’intention des leaders des Forces canadiennes, Presse de l’Académie canadienne de la Défense, Ontario , Canada

ROBBINS S., JUDGE T., GABILLIET P., - (2006) – COMPORTEMENTS ORGANISATIONNELS -  Ed. Pearson Education – Encadré page 53

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RÉFÉRENCES WEBOGRAPHIQUES


KIYINDOU A., Diversité culturelle - http://vecam.org/article596.html


LOUVRIER-CLERC M., (n.d.) -   Patrimoine immatériel - http://www.unesco.org/culture/ich/index



MOREAU T., (2012) – Veille, curation et knowledge management piliers de l’intelligence stratégique – http//blog.knowledgeplaza.net/index/author/tmoreau.

http://www.diversité-culturelle.qc.ca/index.php?id=22












[1] PREVOST C., (2010.) -  DE LA MEDIATION CULTURELLE AU RAPPROCHEMENT INTERCULTUREL : l'expérience d'ateliers interculturels réunissant des immigrants en francisation et des québécois au Cegep de Sainte-Foy - Université Laval - Mai 2010 (publication CMQ-IM, n 41).




[2] MANDELBAUM S., (2008) - L'impact des cultures sur les modèles de négociation et de médiation -  in La médiation interculturelle au service de la réconciliation: Réflexion sur la médiation interculturelle et la similitude entre la médiation et l'action non violente - Paris, Février 2008

  


[3] MANDELBAUM  S., - opcit


[4] MANDELBAUM  S., - (2008) - L'impact des cultures sur les modèles de négociation et de médiation - http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-2864.html