lundi 6 avril 2015

56 - INTELLIGENCE D’HIER, D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN

Par Clark G. KHADIGE, dba, desg
(JCB 1934-2012)
 Le général De Gaulle avait dit à propos de la dernière guerre mondiale : «Une porte a livré passage à tous les malheurs qui frappèrent la France à travers son histoire. C’est la porte où avaient fui les enseignements du passé !»

Peut-on mettre en avant, et en mieux, la portée de cette citation ? Certes, le Passé est riche d’enseignements dont on a su profiter pour grandir et évoluer. Mais, aussi, combien de fois nous sommes-nous trompé ? Combien de fois avons-nous mal jugé, mal interprété ou mal analysé ? Mal compris, aussi ?  
Le temps passe et les choses changent, se modifient, prennent un visage nouveau. Ce qui se présente aujourd’hui, crée autant d’avantages que de nostalgie, et nous nous prenons à penser que « Rien ne sera plus comme avant ! Rien n’aura plus le même gout… ».    
Combien d’entre nous auraient aimé avoir la pensée d’Épictète, le rationnel de Descartes, la plume de la Fontaine et la verve de Molière pour raconter ce qu’était hier, ce qu’est aujourd’hui et ce que sera demain ? Combien d’entre nous ont gardé la nostalgie des anciens, avec le peu de connaissances qu’ils ont acquises face à l’immensité de la culture ? Mais ils nous ont donné des bases solides de réflexion. Sans elles, notre évolution aurait été fortement compromise.
Ainsi, au fil du temps, des lectures et des écrits, plusieurs questions se posent et leurs réponses changent chaque jour :
Ø Qui pense encore à ces grecs anciens, pères de la philosophie, du management, de la gouvernance et des comportements ?
Ø Qui pense encore à ces grands de la littérature française qui ont peint la société d’hier et dans laquelle, souvent, se noie celle d’aujourd’hui ?
Ø Qui se rappelle de ces grandes inventions qui ont marqué la civilisation ?
Ø Qui se rappelle aussi de ces grands inventeurs qui ont imposé les orientations de notre civilisation scientifique ?
Ø Qui se rappelle encore de ces grands explorateurs qui ont découvert le monde et qui ont posé les premiers jalons de la globalisation, tel que nous la vivons aujourd’hui ?
Et d’autre part :
Ø Que laisserons-nous aux générations futures qui ne sauront plus se servir de la connaissance et du savoir puisque la technologie en devient la mémoire ?
Ø La mémoire du Passé sert-elle encore à la construction du futur quand la machine prévaut ?
Ø Le Passé a-t-il encore une place et un rôle à jouer dans l’avenir humain ?
Il s’agirait, peut-être, de formuler des questions et de tenter de trouver les réponses fondées. Devraient-elles porter sur des attitudes d’entreprise, sur des applications innovatrices ou tout simplement sur des comportements de « suiveur », considérant qu’il est toujours plus facile de copier, d’imiter que d’innover ?
De la révolution intelligente
Mais qui dit nouvelles questions implique inévitablement la recherche de nouvelles réponses. Mais où sont-elles réellement ? Comment trouver des solutions à ces problèmes que posent aujourd’hui l’incertitude et l’inquiétude de ce que sera demain ?
Il serait facile de dire que leurs sources résident dans le Passé, pour la simple raison qu’il est la base de ce qui est aujourd’hui et le tremplin de ce que sera demain ! C’est le monde infini de l’information et du savoir dont on ne connait plus la véritable origine ni où seront ses frontières qui reculent à force de développements et de découvertes. Mais on pourrait dire, quelque part, que c’est la curiosité de l’homme qui en fut le point de départ et que l’on pourrait qualifier de première intelligence humaine. Le comment et le pourquoi furent les deux questions principales qui suivirent dans la reproduction de ce qui est, la troisième et dernière question consistait à répondre au pour quoi ? Réflexions délicates, méticuleuses parfois et sensibles, sur un processus autant que sur un justificatif et un objectif.
Ces questions ont constitué les bases de la recherche scientifique, telle que nous la connaissons et la pratiquons de nos jours.
Cependant, si le XIXe siècle a vu la naissance de la Révolution Industrielle qui s’est vue composée de la révolution mécanique (les premiers moteurs), le XXe s’est vu doté, lui, de trois nouvelles composantes : la Révolution Électrique (l’énergie au service de la production), la Révolution Électronique, (le petit au service du grand) et la Révolution Binaire qui a introduit l’informatique[1]. Il a donc conçu la révolution technologique d’ensemble. Ces évènements ont inscrit fortement, et rapidement, les grandes lignes du développement social, technique et culturel.
Tout a changé, depuis la manière de penser jusqu’à la manière de faire entrainant, par-là, une nouvelle manière de se comporter !
Avançons donc par tâtonnement, par imagination, par esprit compétitif, par esprit d’invention ou d’inventivité, comme certains aiment à le dire, ou par esprit de créativité comme d’autres encore le pensent et le proposent.
Ce que nous savions hier, nous a permis de savoir ce que l’on sait aujourd’hui. Mais rien n’est plus certain, car Demain tout redeviendra acertitude du Passé et incertitude d’Aujourd’hui. C’est l’évolution dira-t-on. Mais, et avant tout, l’évolution de quoi ? Certainement de l’Intelligence Humaine qui se traduit par l’Intelligence dans toutes ses dimensions[2] et dans toutes ses applications.
Si l’Intelligence d’Hier aide encore un peu l’Intelligence d’Aujourd’hui, que fera-t-elle pour l’Intelligence de Demain, déjà si entachée de technologie ? Demain sera-t-il totalement dépendant de l’Intelligence Artificielle ? Ainsi, ces deux formes d’intelligence se confondront dans l’Intelligence du Passé et nous pourrions dire, à la limite, qu’elle en est la mère déclassée et délaissée de l’Intelligence de Demain, car Hier et Aujourd’hui ne sont désormais plus que références d’expériences et d’expérimentations passées.
La seconde qui vient de passer, appartient déjà au Passé !
Ce Passé, si important malgré tout, est-il réversible, ou représente-t-il cette dimension irréversible de l’information, de la connaissance, du savoir et de la culture ?
Malgré tout, nous avançons,
Dans nos activités quotidiennes, professionnelles ou sociales, nous appliquons ce que nous avons appris au fil de nos expériences et de nos expérimentations communes. Nous le faisons grâce à un sentiment de sécurité parce que nous continuons dans un système qui a fait ses preuves, qui nous a donné des bases de travail et de réflexion et que nos risques deviennent de plus en plus calculés et réduits, quoique parfois plus grands.
Or, le monde d’hier ne ressemble pas à celui d’aujourd’hui car tout ne se pense plus, ne se réfléchit plus, ni ne fonctionne plus de la même manière, et nous nous entêtons encore à croire que parce-que notre savoir est plus grand, nous commettons moins d’erreurs. Nous raisonnons différemment et, peut-être contrairement à ce que nous faisions jadis, car les réponses que nous cherchons à nos questions tiennent plus de l’analyse de ces dernières qu’à leurs conséquences.
Ainsi, celles que nous nous posons aujourd’hui sont issues des réponses d’Hier, simplement parce-que ces dernières nous ont portés à un niveau supérieur de connaissances qui nous obligent à transposer l’ensemble sur Demain et de transposer les réponses d’Aujourd’hui dans de nouvelles questions.
Jean PUCELLE[3], dans son livre Le temps écrit : «Le temps suscite le neuf et accumule les ruines». Pourrions-nous dire, à la limite, qu’Hier est l’antichambre où resteront stockées toutes les informations qui n’ont plus raison d’être, qui n’ont plus d’utilité ? Mais le temps réapparait constamment sous les divers aspects du changement qu’il inspire.
Aujourd’hui reste quand même une dimension assez controversée. Si, comme nous l’avions dit plus haut, Hier est l’antichambre du présent que l’on vit, Aujourd’hui n’est que le réservoir de notions utiles, (inutiles aussi mais sources de réflexion), où connaissances passées et connaissances nouvelles se rencontrent, se côtoient et font naitre ce dont nous aurions besoin dans la dimension de Demain.
C’est donc un mouvement qui emporte vers le futur, comme l’a si bien dit Jean PUCELLE[4] car il change intarissablement de contenu. Nous pourrions ajouter, à ce que dit l’auteur, qu’Hier change incontestablement le contenu des choses.
L’Entreprise dans la dimension d’Hier, d’Aujourd’hui et de Demain
« Les entreprises dépendent très étroitement de leur environnement[5] ». Mais chaque environnement a des caractéristiques, des facteurs, des critères qui lui sont propres et qui agissent non seulement sur le concept de management des entreprises, mais aussi et surtout, sur le comportement des individus. Cette dépendance a ses sources dans la connaissance d’Hier, une action dans le savoir d’aujourd’hui et une réflexion dans ce que sera la culture de Demain.
La survie d’une entreprise ne peut pas dépendre uniquement de ressources environnementales, à l’exception des siennes, c’est-à-dire celles de son environnement interne. Cette survie ne dépend que de sa faculté de comprendre les facteurs externes, en constant bouleversement sinon en changement continu, influant directement et indirectement sur son activité, et de sa créativité à pouvoir non seulement utiliser ses propres ressources mais aussi celles des différents environnements. C’est, à la base, une simple question de concept managérial et de l’émission d’un principe de pensée stratégique réaliste issu de la réflexion de ce qu’a apporté Hier. C’est donc une question d’Intelligence. L’expérience du Passé trouve ici toute sa valeur. Mais est-ce aussi une question d’Intelligence Discernante [6] ?

Le processus de survie sur un marché global, reste crucial car il est en relation directe avec la perception que les firmes ont de la réalité de leurs connaissances, autant que de leur expérience.
Et puis, au fond, quelle signification « comprendre » au terme « survie » ici utilisé ? Doit-on lui attribuer, ou lui ajouter, la signification de situation, de durabilité de l’état du savoir des entreprises ?

Ainsi, il est impératif à ces entreprises de s’adapter au mieux aux contraintes apportées par les environnements avec lesquels elle est en relation.  Mais parler d’adaptation, c’est comprendre que les forces, les facteurs et les critères externes existants sont suffisamment puissants pour que l’Entreprise « fasse avec». Cela implique, à la base, une bonne connaissance de ces éléments en présence. Dans cet ordre de choses, une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités et menaces) d’Hier et d’Aujourd’hui serait-elle de mise ? Mais l’appliquerait-on à un environnement ou à une réalité, à un résultat ou à un objectif ? Ou, tout simplement, à la préparation de Demain ?

Que sera donc Demain ?
Peut-être et simplement une nouvelle méthode de réflexion, d’action ou de comportement. Ainsi, saura-t-on jamais poser les bonnes questions et trouver les véritables réponses ? Aura-t-on encore besoin d’avoir recours à la mémoire du Passé ? À quoi servira cette Intelligence du Passé et, inévitablement, que proposera l’Intelligence d’Aujourd’hui ?
L’important reste la façon dont nous recevrons l’information et comment nous y réfléchirons. Ceci, peut-être, à travers la réflexion portée sur les interrogations suivantes :
Ø Comment nous la recherchions, la recherchons et la rechercherons ?
Ø Comment nous la traitions, la traitons et la traiterons ?
Ø Comment nous l’organisions, l’organisons et l’organiserons ?
Ø De quelle manière nous analysions, analysons et analyserons nos expérimentations autant personnelles que collectives ?
Ø Comment nous interprétions, interprétons et interpréterons nos expériences ?
Ø Comment nous nous représentions, nous nous représentons et nous nous représenterons la réalité du moment sachant qu’aujourd’hui ou demain elle risquerait de ne plus être la même que celle d’hier ?
L’objectif majeur de ces questions est celui « d’apprendre à comprendre réellement ce qu’est le monde sous ses différentes formes : sociale, culturelle, économique, politique, légale, etc. et comment il fonctionne pour essayer d’imaginer ce que sera celui de demain ». Nous essayons donc de donner un sens à ce que nous faisons. Nous y croyons sans vraiment être sûr de sa réelle validité et de sa continuité dans le temps. Nous tâtonnons.
Mais savons-nous réellement ce que nous recherchons ? Oui parce que nous avons des objectifs. Non, parce que nous avançons dans l’incertitude et vers l’inconnu. Angoisse et inquiétude seront les compagnons du voyage.

La dimension « temps »[7]
Acteur particulier de l’universalité, le temps s’est toujours manifesté par des objections, des contradictions, des constantes, des affirmations et des infirmations, qui nous renvoient à nous-mêmes et l’Histoire en reste le seul témoin.
Mesurer l’état des connaissances et du savoir revient inévitablement à calculer la dimension espace du temps. Nous nous basons ainsi, et peut-être sans le vouloir, sur les trois parties de cette dimension-espace : le Passé, le Présent et le Futur pour mieux concevoir ou, du moins, mieux imaginer Demain 

Mais, au fond, que représentent réellement ces trois parties ?
 1 - Ainsi, le Passé, (Hier),  c’est cet ensemble de savoirs et de cultures, de connaissances, d’expériences autant que d’expérimentations, de patrimoines et de traditions, d’intracultures, de culture et d’interculture, de recherches et de constantes remises en question, de confirmation et d’infirmation de théories, de conflits et de chaos, etc., dont nous profitons aujourd’hui. Dans cet espace de temps nous avons appris, rejeté, découvert et retenu et, surtout, formé notre esprit critique et notre concept de synthèse et fait des choix, aussi opportuns que valables.
De cet apprentissage est né le concept du mieux qui, lui, a engendré celui du meilleur. Nous pourrions, à la limite de cette réflexion, considérer qu’Hier était le bien, qu’Aujourd’hui est le mieux et que Demain sera le meilleur. N’est-ce pas là, l’évolution naturelle que nous avions toujours recherchée ? C’est pourquoi Hier est et restera indéfiniment le fondement irréversible d’Aujourd’hui et de Demain.
2 – Le Présent, (Aujourd’hui), par contre, n’a d’importance que dans la mesure où il n’est qu’une transition entre le Passé et l’Avenir, (entre Hier et Demain). Nous utilisons Hier, donc le Passé, pour savoir et pouvoir agir et nous comporter dans une dimension que nous avons définie, avec autant de précisions et de normes que possible. Mais, c’est une dimension instable où certitudes et incertitudes se côtoient dans d’infinies contradictions car Aujourd’hui joue le rôle de deux plateformes complémentaires :
Ø La plateforme d’application de ce qui a été trouvé auparavant (Hier), que l’on applique (Aujourd’hui) et qui devient sujet à réflexion pour en confirmer la validité encore existante et sa transposition dans les défis de Demain.
Ø La plateforme de préparation de Demain et n’a donc d’importance que dans ce qu’elle lui apportera. Cette plateforme va surtout considérer que Demain ne doit pas ressembler à Hier. Car Demain, c’est le nouveau ! Mais Demain c’est déjà et c’est encore l’inconnu !
3 - Demain est donc une dimension indéfinie. Elle profitera d’Hier et d’Aujourd’hui dans un seul et même concept : le Passé, car Hier et Aujourd’hui se rejoindront et se reconnaitront dans ce même concept. Demain sera le règne de la technologie supérieure et infinie et la question apparente, comme posée par beaucoup, émerge dans un concept philosophique autant que social :
Ø « Qui de l’homme ou de la machine prévaudra ?».
Ø L’Intelligence de Demain sera-t-elle suffisamment intelligente pour reconnaitre ce qu’Hier et Aujourd’hui ont conçus ?
Ø L’Intelligence de Demain sera-t-elle une Intelligence de manipulation, d’imposition forcée et de conditionnement collectif ?

À la question étourdissante «Où est donc Hier et où est donc Aujourd’hui ?» nous répondrons simplement qu’ils sont déjà confondus dans Demain, et qu’ils restent la base constante, croissante et éternelle du Passé. Elle est présente aujourd’hui et le sera encore peut-être demain. Mais Demain restera entièrement un constant bouleversement parce qu’il est un mouvement né hier et qui grandit aujourd’hui. Il se dotera d’une culture nouvelle, différente ou pas, due à la course effrénée de la nature humaine en quête du bien, du mieux et du meilleur possibles.

Erik BRYNJOLFSSON, Andrew MCAFEE, et Michael SPENCE dans un article sur le Nouvel Ordre Mondial écrivent : « Ainsi, à l'avenir, la rareté sera d’abord celle des idées, plus encore que celle du travail ou du capital. Les rares personnes capables de proposer de bonnes idées en tireront d’immenses profits. Le grand défi de demain consistera, de plus en plus, à assurer un niveau de vie acceptable pour le reste de la population mondiale, et à construire des sociétés et des économies ouvertes »[8].                                       

Mais si nous pouvions affirmer, dans cet ordre de pensée, que Demain sera le règne incontesté de la machine intelligente, elle introduira surement le concept de l’idée intelligente et constructive. L’évolution de la dimension humaine en dépend. Certes, les activités seront différentes et d’autant plus diverses. Mais qui en sera, au fond le véritable gagnant ? L’être humain ? Peut-être pas, mais il en sera le premier profiteur. Les lobbies économiques, les collectivités ? Sûrement.
En fait, on penserait, de prime abord, que l’éternel gagnant serait l’Homme créatif, compétitif dans sa pensée, innovatif et innovateur, concurrentiel dans ses relations, imaginatif de dimensions nouvelles, etc. Mais ce sera surement celui qui saura contrôler et maitriser l’Intelligence d’Hier et l’Intelligence d’Aujourd’hui. L’objectif de l’Intelligence Humaine sera de reléguer au second plan, si ce n’est à la seconde place, l’Intelligence Artificielle qui, dans son contexte, n’est qu’un outil de développement et de croissance et non pas celui qui décidera de Demain.

Ainsi, Demain est et restera un phénomène constant et continu issu du Passé mais animé, comme le dit si bien Jean-Louis VIEILLARD-Aron (1995), d’une évolution créatrice, source de l’Intelligence et du développement constant. À ceci, nous emprunterons à BERGSON[9] la phrase «continuité de changement, conservation du passé dans le présent… » si réelle et si présente.
                                                                                           
Le point de vue de PIERRE PORTEVIN[10]
« Selon moi, une des idées principales derrière l'IC, c'est que, dans un système complexe, chaque individu impliqué à la cause détient une part de savoir et d'expérience tout à fait unique, qu'il convient de rassembler et d'échanger afin de permettre à tous de partager une vision commune. On a tous une part d'expertise unique et une part de responsabilité. Chacun a quelque chose à apporter.
Donc pour moi, dans les dimensions de l’Intelligence Collective :
Ø Hier, c'est le réservoir d'expériences, de connaissances. C'est l'héritage.
Ø Demain, c'est le phare de l'intention, de l'avenir désiré, de la perspective souhaitée. C'est ce qui anime, énergise, oriente, rassemble et réunit.
Ø Aujourd'hui, c'est le siège de l'instant. C'est l'espace d'ouverture, de pensée, de partage, d'écoute, de circulation, de créativité. C'est le circuit ouvert, les champs des possibles, le terreau des idées ».

L’Intelligence de Demain et l’innovation
Le concept d’innovation touche aujourd’hui tous les secteurs. On ne cessera jamais de dire que l'’innovation est source de changement et de développement continus puisqu’elle est fille de l’imagination, de la créativité et de la demande capricieuse et changeante de l’être humain.

Ces trois éléments transforment profondément la vie des marchés, des entreprises et des individus. La globalisation a apporté, entre autres avantages et inconvénients, la disparition des frontières et a modifié fortement la pensée managériale ainsi que les rôles que se sont impartis, au fil du temps, les différents acteurs non seulement des marchés mais aussi de la société dans son ensemble. Tout change dans une spirale vertigineuse. Peut-on encore suivre la technologie dans tous ses apports ? Une fois de plus, on ne pense donc plus local mais global en tout. On ne pense même plus mental mais réflexe.

Mais, au fond, qu’est-ce qui nous a fait changer si vite ? Pourquoi le XXIe siècle veut-il divorcer des siècles précédents ? Pourquoi veut-il nous emmener vers un inconnu encore indéfinissable, et peut-être inquiétant sinon angoissant, aujourd’hui ?
La réponse semble évidente : c’est la technologie qui a tout renversé ! Pourquoi ?
C’est simple. En nous référant à Aristote de Stagire[11] dans son « Éthique à Nicomaque » nous lisons : « … aussi les hommes choisissent-ils ce qui est agréable comme étant un bien, et évitent-ils ce qui est pénible comme étant un mal ». Ainsi, dans cet ordre de choses, si la technologie nous offre le quotidien facile, ne deviendrions-nous pas, au fil des jours, des automates dépendants puisqu’elle fait tout à notre place, parfois mieux et avec plus de précision ?

Dans cet ordre de choses, tous les efforts de recherche ont pour objectif de trouver les meilleurs moyens pour faciliter la vie des individus autant dans leur vie privée ou sociale, que dans celle professionnelle. La pensée d’Aristote est toujours de mise, à la différence près qu’aujourd’hui ce sont les entreprises qui font l’effort et non plus les individus.

« Aujourd’hui chacun s’en rend bien compte au quotidien : le risque zéro n’existe plus, le monde « s’aplatit » pour reprendre le terme utilisé par Thomas Friedmann dans son livre « La terre est plate », de nouvelles priorités globales s’imposent à nous comme celle du développement durable et de notre responsabilité vis à vis des générations futures »[12].

En conséquence directe, les entreprises du XXIe siècle doivent impérativement vivre ce changement et adopter, sinon adapter, une flexibilité qui leur permettra de naviguer dans un concept de management en constant renouveau tout en développant des dynamiques adaptées à la complexité du changement.
Les règles de jeu semblent aussi changer. Mais si tout est plus facile, tout n’en est pas moins complexe. Prenons comme exemple la téléphonie mobile et posons-nous la question : qu’a-t-elle fait de l’homme d’aujourd’hui ? Certes, elle a favorisé le contact constant, la présence virtuelle continue, la relation omniprésente, etc… Mais ce qu’elle a surtout réussi à faire c’est créer la dépendance de l’individu envers la technologie. Qui peut, aujourd’hui, penser à ce qui nous adviendra si le téléphone portable s’arrêtait de fonctionner ? Nous nous sentirions isolés et perdus sans le contact avec les autres, sans le contact des autres…. Ce qui resurgira sera surement le sentiment d’être seuls au milieu de 7,5 milliards d’individus qui peuplent notre planète !

L’Intelligence Collective et l’Intelligence du Passé
Imaginons, un moment, que l’Intelligence Collective soit un amalgame entre l’Intelligence d’Hier et l’Intelligence d’Aujourd’hui. Elle en serait plus riche de connaissances et de savoirs, d’expériences et d’expérimentations, de réflexions et de résultats, d’inductions, de déductions et de conclusions.
Serait-elle, alors, ou deviendrait-elle une nouvelle culture de la pensée managériale ?
Tout ce qui est découvert, retenus, fait, réfléchi, appliqué représente une déduction et une conclusion, à la fois, de pensées collectives scientifiques et littéraires. Mais tout commence avec une idée sortie d’un esprit individuel, et son développement est souvent repris par une collectivité de chercheurs. L’individuel est donc souvent inclus dans le collectif.

Pierre Portevin[13] nous en donne un point de vue très pertinent :
« L'idée qui traverse mon esprit, est celle-ci : il n'y a pas d'intelligence purement individuelle. Quasiment tout ce que nous pensons est construit sur le collectif. Nos capacités individuelles de conceptualisation n'existent que parce que nous disposons d'un langage. Et nous avons acquis celui-ci grâce à ce que d'autres nous ont transmis. Nos croyances, nos connaissances, nos idées... tout ce qu'on a en tête ou presque nous vient des autres. On apprend essentiellement par mimétisme. Nous ne produisons d'idées nouvelles qu'en réagissant à, associant, combinant ou challengeant des idées passées (même si certaines de celles-ci concernent l'avenir ou nos croyances ou émotions à son sujet). La production d'idées ex nihilo est impossible.
En corollaire, notre intelligence humaine est riche parce que collective. Mes pensées du moment sont le fruit de toutes celles que j'ai pu intégrer jusqu’ici : votre question initiale, votre demande d'un point de vue sur votre texte, les livres que j'ai lu, les expériences que j'ai vécues, les discussions que j'ai eues sur le sujet, les formations et apprentissages dont j'ai bénéficié... qui, eux-mêmes, sont les résultantes des pensées que d'autres avaient sur le sujet...

Je crois que ce que les dynamiques collectives de qualité ajoutent à mes pensées personnelles, c'est un contexte d'écoute profonde de connaissances et de points de vue différents qui auraient pu provoquer en moi des crispations car en opposition avec mes propres croyances ou convictions, mais auxquels je m'ouvre parce que le confort psychologique dans lequel se déroule l'échange m'offre la bienveillance et le respect mutuels dont j'ai besoin pour explorer d'autres points de vue. De la sorte, je peux à la fois élargir mes connaissances et horizons, et "stretcher", au sens physique du terme, mes pensées et mon esprit. Je peux créer de nouveaux circuits synaptiques dans mon cerveau.

Nous avons besoin de calmer nos egos et de gagner en humilité. Personne ne dispose de toutes les informations, de toutes les connaissances. Personne ne peut identifier individuellement les solutions aux problèmes complexes. L'intelligence Collective nous permet de faire ensemble le constat de nos limites et de nous accepter dans cette imperfection. C'est plus facile car on se voit tous au même niveau. L'IC nous aide à comprendre que les solutions que l'on élabore ensemble sont plus riches et efficientes que celles qu'on imagine seul. Elle nous apprend à faire confiance au collectif et à lâcher le contrôle. Bref, elle nous apprend à être des humains, ni plus ni moins ».

EN CONLUSION
Réfléchir au-delà de l’Intelligence, c’est, peut-être vivre la dimension tripartite d’Hier, d’Aujourd’hui et de Demain dans un même espace. Ainsi, pourrions-nous dire que cette triple dimension est celle de l’Anticipation, de l’Innovation, de l’Échange et du Partage ? À la limite, l’Intelligence Artificielle se confondrait-elle avec l’Intelligence de Demain ?

Oui, rien n’est comme avant. Rien n’a le même goût. Et pourtant tout se ressemble et tout se rejoint quelque part parce que nous avons su tirer les leçons difficiles des évènements qui ont marqué l’évolution de notre civilisation. Atteindrons-nous ainsi cette autre dimension du «qui ne se ressemble pas, s’assemble[14]» ?




[1] Commentaires soutenus par Monsieur le Professeur Ibrahim MAROUN, de l’Université Libanaise, lors d’une soutenance de thèse à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Le tourisme médical au Liban – Présentée et soutenue par Mme Viana HASSAN – Janvier 2015). NDA
[2] Voir à ce sujet le glossaire des qualificatifs multidimensionnel de l’Intelligence – cgcjmk.blogspot.com
[3] PUCELLE J. (1962) – Le temps – Presses Universitaires de France
[4] opcit
[5] CHAAR A. M., (2005) – (Centre de recherches et d’études doctorales de l’ESA, Cred) - « Quelle est la réalité de l’environnement de l’entreprise ? », article paru en page 8 de l’Orient-Le Jour du samedi 16 avril 2005.
[6] Intelligence Discernante : Faculté de pouvoir distinguer, de percevoir des faits afin de différencier et de pouvoir faire un choix, ou prendre une décision. Voir glossaire des qualificatifs multidimensionnels de l’Intelligence cgcjmk.blogspot.com
[7] Lire à ce propos l’article de l’auteur « La sixième ressource : le temps » - cgcjmk.blogspot.com
[8]Erik BRYNJOLFSSON, Andrew MCAFEE, et Michael SPENCE (2014) - Un nouvel ordre mondial - http://future.arte.tv/fr/un-nouvel-ordre-mondial
[9] BERGSON H.L. (1907) – L’évolution créatrice -
[10] Pierre Portevin est conseiller en stratégie, en management et en déploiement de l'intelligence collective des organisations, formateur et conférencier. Expert en communication, il expérimente depuis une vingtaine d’années la valeur ajoutée de combinaison de multiples démarches de réflexion collective et de connaissance de soi : approche neurocognitive et comportementale, ennéagramme, possible human, processus Hoffman, psychothérapie, psychologie énergétique, zen… Il préside l’European Centre for Collective Intelligence.
[11] ARISTOTE (384-322) – « Éthique à Nicomaque » - Librairie Philosophique J. Vrin.
[12] http://www.inprincipo.com/fr/un-monde-nouveau/management
[13] opcit
[14][14] Cette citation est tirée d’une soutenance de mémoire faite par Mlle Hiba LOUIS, (janvier 2015) à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (Alba), Université de Balamand – Liban.