Une
approche sociologique
Il serait vain de parler
d’évolution et de civilisation sans aborder l’épineux sujet du malaise social
et du déclin de la société. Certes, si le XXe siècle a été celui de la vitesse
et de la découverte technologique, cette évolution de la créativité humaine a
surtout eu pour objectif d’apporter une facilité et une amélioration de la
qualité de vie, objectif vers lequel tout individu tend.
On ne peut, cependant, se
départir de l’impression, et parfois de la certitude, que l’évolution a aussi
été une réalisation discriminatoire : ce n’est pas tout le genre humain
qui a su, ou pu, en profiter. Au contraire, on a surtout l’impression d’un
clivage qui s’agrandit de jour en jour entre ceux qui en ont bénéficié, ceux
qui en bénéficient, ceux qui vont en bénéficier et ceux qui n’en bénéficieront
jamais.
Il a su, cependant, créer un
courant suffisamment fort pour pouvoir entrainer l’ensemble vers des
changements importants, cruciaux et vitaux, souvent aux dépends d’idéaux divers
de la masse humaine. Il a créé, peut-être sans le vouloir expressément, un
conditionnement social sans faire cas d’une multiplicité de choix, de désirs et
d’actions. Prenons l’exemple de la productivité humaine dans
l’entreprise : que voyons-nous réellement ? Nous ne voyons plus
l’être humain dans la puissance de son intelligence recherchant la satisfaction
du beau travail. Mais ce que nous réalisons surtout, c’est que cet être humain
n’est plus qu’un élément de production réduit à un automatisme entrainant une dépersonnalisation de lui-même et
d’une perte d’identité humaine. L’économie, l’évolution des styles et des niveaux
de vie, les intérêts des grandes puissances et des grands trusts n’ont entrainé
qu’une décadence de la qualité humaine. Citons à ce propos les conséquences du
productivisme et de l’hyperproductivisme.
On remarque inévitablement que
l’évolution apporte et impose des exigences nouvelles et inattendues. On prend alors
conscience de l’existence de nouveaux défis, de nouvelles difficultés, d’objectifs
et de problèmes relatifs à des dimensions nouvelles. Il s’agit de pouvoir
trouver, dans une certaine mesure, comment y répondre et comment les surmonter.
Mais de quelles compétences parle-t-on ? Celles principalement de
la créativité, de l’imagination et de l’innovation. Mais pas les compétences froides
et calculatrices, ni celles dénuées de tout humanisme, mais bien celles
imbibées de valeurs morales, de valeurs sociales, de valeurs humaines autant
que celles imbibées d’éthique, de culture et de savoir. « Il y a
des compétences et des capacités reliées à l’évolution qui demeurent inentamées
et qui nécessitent des compétences éprouvées » (n.d.).
Le patrimoine littéraire de
l’humanité est en voie de disparition, sinon d’oubli. « Ce
savoir si bénéfique, seul levier capable d'élever l'homme (n.d)". Qui se soucie, encore aujourd’hui, de Sophocle,
d’Epitecte, de Platon ou de Socrate ? Qui se souciera encore, dans
quelques temps, de Rabelais, de Montaigne, de Molière ou de Racine, sans
oublier Pascal et Descartes ? L’évolution discrimine la connaissance, le
savoir et la culture. S’en soucie-t’ on encore ? A qui la faute ?
On en vient donc à parler de
responsabilité et de responsabilisation.
DE L’EVOLUTION
Il faut donc s’interroger
sur les conditions et sur les conséquences du « programme d’évolution »
que l’on se doit d’instituer, car « Le
programme institutionnel qui socialise habituellement les individus et qui
assurait la cohérence de la société, est en voie de décomposition[2] ».
Comprendre les termes
En nous référant au dictionnaire
de la langue française[3], le terme évolution
est défini comme une transformation
graduelle ou progressive. Cependant, cela se comprend dans le langage
courant comme étant un changement, ou une modification, vers le mieux. Mais
tendre vers le meilleur, apporte-t-il du meilleur à l’homme ? N’est-ce pas
peut-être, aller à contre-courant de la loi des contraires, ou tout simplement au
contraire de la loi de l’équilibre ? Dans le concept de l’école
philosophique grecque[4], principalement l’école d’Athènes, le bien ne
doit-il pas s’opposer au mal pour que toute situation soit stable et
puisse permettre une évolution après réflexions ?
Ø Se transformer au cours de l’existence
L’essentiel, c’est de définir et
de trouver ce qui fait la spécificité de l’évolution que l’on recherche et que
l’on veut institutionnaliser autant qu’instituer. Est-elle une simple
substitution d’une marchandisation de la qualité de vie qu’on veut vendre à
n’importe quel prix, quelqu’en soit sa moralité finale ?
DU DECLIN
Le choix du terme est assez
vaste. Parlerons-nous de déclin, de décadence, de déchéance ou de chute de la
civilisation actuelle ? Quel que soit le mot que l’on utilisera, il est
certain qu’il faut comprendre que la civilisation humaine est arrivée à un
carrefour important de son histoire et de son évolution. Il est devenu aussi banal
de constater que bien que la civilisation ait connu de profonds
changements au cours des siècles passés, elle manifeste pourtant bien des
difficultés à penser ses propres transformations autrement que par
l'actualisation de ses défections et souvent, de sa décadence profonde.
2.
La
découverte de l’outil de travail, élément important de la construction sociale
mais aussi de la défense personnelle,
3.
L’invention
de la boussole qui a révolutionné le principe du repère géographique
facilitant ainsi l’exploration de terres et de ressources nouvelles tout en gardant un moyen pour retrouver un
point d’origine ou un point de départ.
4.
L’invention
de la roue qui fut une découverte inestimable dans le concept du
transport,
5.
L’invention
de l’alphabet abécédaire qui fut la base de la conservation et de la
transmission des connaissances et du savoir de génération en génération, de
territoire en territoire, et apportant une transformation dans les moyens de la
communication,
6.
L’application
du système binaire donnant naissance à l’Intelligence Artificielle et à tous les avantages conséquents. En
conséquence l’introduction de la technologie dans la vie professionnelle et
sociale aussi bien personnelle que de l’entreprise.
D’autres découvertes ont aussi
révolutionné la civilisation dans sa vie quotidienne, ne fut-ce que la
recherche en sciences de la santé qui ont permis l’accroissement de la
longévité de vie, etc.
Il nous faut, cependant, réaliser et accepter le fait que la civilisation
vit aujourd’hui une crise qui est, à bien des égards, l'expression qu’elle vit
parallèlement une certaine mutation traduite par une insuffisance à penser le
monde complexe, opaque et incertain dans lequel l’être humain veut vivre et évoluer.
Il semble qu'elle entraine une réflexion qui incline à l'inquiétude et à une
incertitude du devenir, en regrettant souvent un âge d'or plus ou moins révolu.
La culture est en crise. Pour définir
ce que crise signifie, empruntons à Isabelle LARAQUE[7] ce qu’elle dit dans son intervention : « Le
mot CRISE : provient du grec KRISIS : décision. CRISE est d'abord un terme
médical qui désigne le sommet dangereux de la maladie, le moment décisif
caractérisé par un changement qui comporte une menace aigue pour l'intégrité du
sujet .A l'idée de crise peut être associée celle de menace de mort, d'où une
mobilisation de moyens d'action pour la survie ».
Que ce soit une question
d’évolution, ou de déclin, le centre éducatif est une obligation incontournable.
Ainsi :
Ø L’école est une obligation familiale. C’est là où résident les sources de
l’évolution, de la stagnation ou du déclin social. C’est aussi dans cette
dimension que les premières connaissances s’acquièrent et où l’apprentissage social
trouve ses premières racines.
Ø Le centre d’éducation professionnel est une obligation économique individuelle. Tout
le monde ne peut pas avoir accès à l’Université. Les raisons en sont
nombreuses. Mais il faut s’assurer une vie. Apprendre un métier n’a jamais
empêcher l’être humain d’avoir une vie décente ni de développer une culture
professionnelle et générale riche et consistante. Il y a, ici, une dimension
d’évolution importante quand la recherche de meilleures conditions est en jeu.
Mais il y a aussi, et malheureusement, le danger de stagnation et donc de
régression, quand l’individu se contente de ce qu’il y a sans souci
d’amélioration.
Ø L’Université est une obligation sociale. Tout individu recherchant un statut social et professionnel
se doit de fréquenter ce centre de connaissances et de recherches. L’Université
a un rôle et une responsabilité : chercher,
former et développer. La motivation
des étudiants est sociale quand il s’agit de l’obtention du premier degré
universitaire qui est la licence. Au niveau des mastères ou des doctorats, la
motivation est personnelle et consiste dans une volonté d’acquérir de
meilleures connaissances et d’obtenir non seulement une reconnaissance sociale
supérieure mais aussi une position professionnelle de choix.
De là, notre réflexion doit nécessairement prendre en considération les
nombreux problèmes que posent l’éducation, la culture et l’évolution.
1 - Le premier à considérer avec forte
attention, est celui de la motivation d’apprendre. L’enfant inscrit dans une
école comprend mal le rejet familial et
accepte mal la jungle sociale ou il
se retrouve. Il subit donc l’acquisition des connaissances et porte peu
d’intérêt à l’ensemble qui lui est dispensé. Au fur et à mesure d’une
fréquentation régulière de l’école, l’enfant s’adapte et commence à trouver un
intérêt non pas dans la connaissance mais dans la relation sociale. L’obligation
d’apprendre vient se greffer sur cette adaptation.
Au fil du temps, les choses changent.
L’enfant commence à comprendre, sans nécessairement accepter. L’objectif de la
réussite est souvent associé à une récompense.
2 – La réalité et
les exigences du jour imposent à tous de surmonter les problèmes qui surgissent
constamment. La concurrence des marchés et la compétitivité des entreprises
exigent d’adapter l’enseignement et la formation professionnelle aux exigences
en cours, en exploitant un capital de compétences et en rendant l’enseignement plus
proche des besoins du marché.
Existe-t’il une société qui puisse encore se targuer d’être ethno-centriste ?
Tous les pays, dans leurs politiques de développement social et d’immigration, font
face à un nouveau brassage d’individus venant de pays différents et possédant
des cultures différentes.
Le problème est particulièrement apparent dans les pays d’immigration où
on observe un « regroupement » ethnique par quartier. Dans certaines
villes, le quadrillage se fait presque naturellement, par pays d’origine. Il
n’est donc pas surprenant de voir le quartier italien, ou le quartier grec, ou
le quartier arabe, ou même le quartier français.
Qu’en est-il alors de la culture ? Le phénomène qui apparait semble
être celui d’une transition d’une culture ethnique vers une culture poly-ethnique.
Cependant, avec l’avance de la recherche et de la technologie, le temps manque
à la création d’une culture universelle et seule commence à prévaloir la culture technologique, cette culture qui
appauvrit le mental au profit de la vie facile. S’il n’y a pas déclin culturel,
et s’il n’y a pas aussi régression socio-culturelle, il y a quand même un
certain danger qui pointe : un manque de cohésion sociale suffisamment
important pour éviter clivages et clanismes.
L’évolution sociale marque ici un temps d’arrêt. Les conflits latents créent
un freinage à l’évolution, un certain déclin social en découle ou chaque membre
se renferme dans ce qu’il pense être sécurité
dans le conservatisme.
Il s’agit alors, de jeter des ponts entre ces dimensions par la
recherche des points communs existants.
Combien de siècle faudra-t’il pour créer une culture universelle avec
des valeurs et des croyances communes ?
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CAILLET V. (2006), « Sentiment
d'injustice et expérience scolaire », in Obstacles et succès scolaires, M.D. Vasconcellos
(dir.), Université Lille 3, 27-45.
DUBAR C. (2000), La socialisation.
Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A. Colin.
DUBET F. (2000), « L'égalité et
le mérite dans l'école démocratique de masse », L'Année sociologique, Vol.
50, 2, 383-408.
HIRSCHMAN A. O. (1995), Défection et prise de parole,
Paris, Fayard.
LERNER M.-J. (1986), « Le thème
de la justice ou le besoin de justifier », Bulletin de psychologie, Vol. 39,
n° 374, 205-210.
[2] FREUD S., - (1929) – Malaise dans la
civilisation - http:// www.uqac.uquebec.ca/zone30/ Classiques_des_sciences_sociales/
index.html
[5] Tiré de KHADIGE C., NACCOUR G., (2010) – Changement durable, développement
permanent et valeur constante : L’approche managériale cyclique – cgcjmk.blogspot.com
[6] Le lecteur excusera l’auteur si les carrefours
cités ne respectent pas la chronologie de leur apparition.
[7] LARAQUE I.,
(2005) – La crise : déclin ou
défi ? - Intervention à l'université d'été 2005 du MNR
- Château de Terrides.
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