Par Clark G. KHADIGE, dba, desg
(JCB 1934 – 2012)
ABSTRAITS
Inévitablement
la relation humaine passe par différents contextes dans lesquels un individu
doit naviguer avec suffisamment de
doigté afin d’atteindre les objectifs et les buts qu’il se fixe. Cette
relation nécessite trop souvent de jouer
des rôles, d’adopter des comportements parfois contradictoires mais en
fonction de situations diverses. Elle utilise des moyens et des outils
différents, qualifiés parfois de subtils. Il en est de la ruse. Cette
forme de communication manipulatrice d’un côté, orientante d’un autre, mène à
des situations où tout est dit sans l’avoir réellement été. Faire comprendre
est plus important que faire croire car les formes de communication sont
foules et les intérêts sont souvent aveugles.
L’objectif
de cet article est de mettre en évidence ce que l’Intelligence Rusée peut apporter à toute communication, ou à
toute forme de relations sociale ou économique.
MOTS CLÉS
Ruse
– Intelligences – Intérêts -
Conviction – Argumentation - Relations
|
ABSTRACTS
Inevitably the human
relation passes by different contexts in which an individual must sail with
sufficient intelligence in order to reach the objectives and the goals that
he has set. This relation too often requires to play some roles, to adopt
different behaviours, somehow contradictory but according to various
situations. It uses sometimes various and different means, qualified as subtle
tools. It is, in a way, the case of ruse. This shape of communication,
manipulator on one hand and orienting in another, lead to situations where
all is said without been it really. To let people understand is more
important than to make them believe because the shapes of communication are
crowds and the interests are often blind.
The objective of this
article is to put in evidence what any form of intelligence associated to
ruse can bring to all types of communication, or to all social or economic relations,
tools to reach planned goals and objectives.
KEY WORDS
Ruse
- Intelligences - Interests - Conviction -
Arguments - Relations
|
Florian MANTIONE dans son article Les fondamentaux de la ruse[1],
tout en notant l’origine latine du mot ruse
(recusare = « Détour par lequel un animal cherche à échapper à ses
poursuivants »), nous explique que ce terme peut prendre deux connotations
différentes :
Ø
La
première traite d’une définition à caractère négatif, « Ruse
= Moyen, procédé habile qu’on emploie pour abuser, pour tromper »
et propose le qualificatif
de tromperie auquel il associe des
synonymes comme artifice, feinte,
fourberie, fraude, rouerie, machination, manœuvre, stratagème, subterfuge, perfidie
et roublardise.
Ø
La
seconde propose une autre définition, peut-être plus positive « Ruse
= Art de présenter ou de faire les choses avec un certain savoir-faire » avec des synonymes plus positifs : adresse, finesse, astuce, truc et cautèle
(prudence rusée).
Définitions pertinentes qui nous amènent à
considérer, de premier abord, deux types de situations dans lesquelles un
individu se trouve et où son comportement est influencé par des facteurs
prédominants:
Ø
Une
situation défavorable marquée par un malaise, un inconfort, une inquiétude ou
une angoisse qui nécessitent la recherche d’une « sortie limitant les dégâts, les risques ou les pertes». Une fuite
en quelque sorte.
Ø
Une
situation favorable dans laquelle tout concoure à la réussite de ce qui se
passe, mais qui nécessite aussi une autre sortie tout en gardant des avantages
acquis.
Ces deux situations ont un point commun: elles sont très souvent, à
la fois, dépendantes et indépendantes de la volonté de l’individu, tout dépend de ce qui se passe dans une
situation donnée et tout dépend des
objectifs, des aboutissements et des intérêts que la situation dicte tout
autant que les dispositions ou
prédispositions des parties en présence.
Cependant, dans cet article, très intéressant, il donne une
définition très personnelle de la ruse : « Intelligence situationnelle, ou capacité à analyser une situation, la
comprendre, et trouver la bonne posture, la bonne parade ». C’est ici
que les opinions divergent.
Nous avions proposé, dans notre glossaire[2],
une définition de l’Intelligence Rusée comme étant une « Capacité de suggérer et d’utiliser des arguments
divers rapportant à une autre dimension afin d’atteindre des objectifs de
conviction ou d’imposition de points de vue ». Il y a donc suggestion.
Faisons référence une fois de plus au dictionnaire[3]
pour comprendre le terme suggérer et
ses dérivés :
Ø
« Suggérer : proposer une idée à
qq un, conseiller, évoquer, susciter une pensée, une idée, une image,
Ø
Suggestif : qui produit une suggestion,
qui inspire des idées … »
Suggérer est donc une façon d’inclure une alternative (idée,
argument ou opinion), une autre situation, une autre dimension ou, même, un
autre choix autant qu’une autre possibilité, afin de présenter une autre proposition
à quelque chose qui se passe, qui est en cours ou qui est en préparation. C’est
peut-être aussi un meilleur moyen pour dévaloriser ce qui a été exposé quand ce
dernier entre en contradiction ou en opposition avec des objectifs personnels
différents.
C’est aussi un moyen savant de faire miroiter des avantages
possibles mais illusoires sans les
définir clairement. A ceci, s’ajoute
d’autres types d’arguments imaginés pour soutenir et convaincre. Ces arguments peuvent
entrer dans le concept de l’insinuation, c’est-à-dire
utiliser une manière subtile ou habile
d’imposer sa pensée[4].
Ainsi, dans un esprit de médiation ou de négociation, il s’agira
d’insinuer quelque chose c’est-à-dire « faire entendre quelque chose de différent, ou de complémentaire d’une manière détournée, adroitement sans le
dire expressément » afin que les
parties adverses :
Ø Changent d’opinion
Ø Se rendent à l’évidence de conséquences plus
positives, totalement neutres (qui n’entraînent aucun changement) ou
partiellement négatives,
Ø Rejoignent un point de vue qui mènerait à un
accord définitif,
Ø Découvrent d’autres alternatives.
Mais il est important d’ajouter que la suggestion laisse parfois
transpirer ou deviner des dangers, ou des menaces, non proférés ni définis
clairement et ouvertement.
Ajoutons à ce qui vient d’être dit, que la suggestion en
communication, ou en négociation, pourrait aussi être la transposition dans une
situation d’un élément introduit qui rendrait cette situation plus agréable.
C’est souvent l’argumentation utilisée en communication publicitaire.
DE LA RUSE EN GÉNÉRAL
Dans la vie professionnelle, culturelle et
même sociale, ruser est un procédé courant afin d’amener une conversation vers
des points qui permettront de trouver un terrain d’entente, autant que des
accords solides. Dans ce concept, on parlera de détours c’est-à-dire amener à travers des exemples ou des
références à des cas ayant eu lieu, à un nouvel état de chose. L’objectif est
de convaincre.
Pour certains, le détour serait un moyen pour faire comprendre, faire admettre et
faire agir dans un sens voulu. Pour d’autres, le détour serait un outil pour profiter d’une situation aux dépends
soit d’une vérité soit d’un objectif recherché par une composante d’une
relation. Pour Denis BOISSEAU[5]
(2000), « le détour serait au
contraire l'affirmation d'un cheminement intellectuel profondément humain qui
est à la base même de la liberté existentielle[6] ».
La ruse montrerait donc un côté positif et
un autre qui apparaîtrait négatif. Il faut donc aborder l'idée de ruse avec
prudence et se garder d'interprétations trop hâtives, qui la condamneraient
d'emblée ou la légitimeraient sans discernement[7].
L'essayiste et homme
politique Jacques ATTALI n'hésite pas quant à lui à louer dans la ruse une
forme de pensée plus efficace et pratique que les absolus spéculatifs de la
raison[8].
Cela traduit une certaine forme d’intelligence que certains ont surnommé Intelligence Pratique, souvent Intelligence Supérieure, parce qu’il est pratique d’insérer des cas vécus,
des exemples ou des références pour, comme nous l’avons dit, convaincre,
persuader et faire agir.
Est-ce réellement le cas,
ou est-ce finalement l’Intelligence
Imaginative et l’Intelligence
Imaginatrice qui finalement prime dans la recherche de moyens actifs dans
l’atteinte de buts et d’objectifs ? La
ruse serait donc au cœur même d’une démarche épistémologique amenant les
individus à concevoir la relation sociale, culturelle, économique et même
politique comme étant un constant échange de procédés dictés par des intérêts
d’ordres divers, permettant de mieux aborder, et sans faiblesses notoires, les
problèmes apportés par la globalisation et l’hyperculture relationnelle.
Cela veut-il dire que
l’usage de la ruse serait légitimisée par ces intérêts ? Certes, elle
nécessite habileté, finesse et une certaine délicatesse dans la relation
humaine. Il ne s’agit pas de faire croire quelque chose à une partie adverse,
mais de faire savoir qu’il existe des terrains d’ententes bénéfiques à tous. La
ruse serait alors justifiée comme argumentation
positive si chaque partie est convaincue d’une vérité effective. Il y a donc intervention de deux types
d’intelligences concourantes, et peut-être complémentaires, à une réussite
voulue : l’Intelligence de la
Prudence et l’Intelligence de la
Précaution.
Ce qui va favoriser la
réussite de la ruse est principalement trouvé dans l’inexpérience
relationnelle, économique ou politique, ou même l’ignorance, de ce que l’on
nommerait les dupés[9].
Ajoutons la maîtrise de la communication manipulatrice des dupants.
Il faut cependant
reconnaître à la ruse cette faculté de découvrir
les autres, ou, du moins, la manière de penser ou de planifier des autres. Il s’agit, comme le propose Georges BALANDIER[10],
d’y voir une façon d’appliquer
l’intelligence à une situation et un objectif qui valorise l’indirect et la
stratégie. Mais celui qui en use, a, quelque part, l’intuition que le terrain est, dans une certaine mesure, propice à
des comparaisons qui se voudraient
adéquates et convaincantes. L’Intelligence Intuitive jouerait dans des
situations particulières, un rôle de base dans l’utilisation de la ruse et
réside à cet égard dans ses capacités de favoriser l’adaptation à
l'environnement et à la situation. Réussir implique donc nécessairement de
choisir la référence ou l’exemple adéquat au contexte qui se présente.
Ainsi, l’Intelligence Digressionniste
(ou faculté d’induire une divergence dans une communication), aurait une place
de choix dans une manipulation des idées présentées. Elle représente un complément incontournable
dans l’art de la ruse qui sait si bien exploiter les facteurs apparents d’un
contexte ou d’une situation. Il est important d’ajouter à ce qui précède que
cette forme d’intelligence agit plus objectivement dans la reconnaissance de la
vulnérabilité des autres.
« Enfin, Jacques Attali, mais aussi Georges Balandier et Denis
Boisseau, de façon certes plus abstraite, font entendre un véritable plaidoyer pro domo : la ruse ne serait-elle pas
une manière de construire un discours sur la connaissance, apte à nous faire
mieux appréhender les fractures sociétales et les désordres dont notre
modernité est si souvent victime[11] »
?
AU TRAVERS DE DÉFINITIONS
La ruse prend donc vie dans plusieurs critères qui apparaissent au
fil des échanges :
1 – Le critère de
communication :
indubitablement notre évolution sociale, culturelle et professionnelle n’existe
que par (et dans) le monde de la communication, ce monde où tout s’échange,
tout s’apprend, tout s’enseigne et où tout est modèle. C’est ce qui forme notre
expérience quotidienne et qui nous permet de vivre au milieu d’un tout. Pour
beaucoup, la communication est primordiale, sinon vitale, pour appartenir,
évoluer et se faire accepter dans un groupe. Pour cela, la chose est simple :
savoir dire ce qui doit être dit en fonction
du sujet débattu, savoir faire entendre
ce qui a besoin d’être entendu, tout en ajoutant le savoir-faire-faire volontaire.
Cependant, et dans cet ordre de relation comportementale, on
pourrait ajouter que la communication c’est savoir dire ce que les gens ont envie d’entendre autant que dire ce que les gens ont besoin de savoir ou de
croire. Réussir sa communication dans une optique d’intérêt économique ou
politique c’est éviter de créer, d’insinuer ou d’insérer des handicaps, et nécessite,
souvent, de dire ce qu’on n’a pas dit
et de ne pas dire ce que l’on a dit. Nous
découvrons alors la communication diplomatique où le faire croire côtoie si étroitement le faire savoir.
La vérité est-elle si difficile à dire et à faire accepter ?
Ø
Oui, quand
des termes d’accords frisent l’amoralité ou l’immoralité des décisions.
Ø
Non,
car sans réelle information, comment agir ?
Le tout est fait dans les limites de la tolérance imposées par la
société.
2 - Le critère de comportement : toute situation mettant en présence
différentes parties, ou groupes, oblige,
dans un certain sens, à penser et à agir différemment.
Ce qui dicte un comportement
variant est principalement issu de deux choses : l’incertitude et la
peur. Tout d’abord l’incertitude de ce que l’on sait : est-ce l’unique vérité ? Ensuite la
« peur de ne pas être à la hauteur,
peur de ne pas être le premier, de ne pas avoir le pouvoir ou de le perdre,
peur de ne pas savoir trouver les bonnes réponses, les solutions, peur de mal
faire et d’en supporter les conséquences, peur de la concurrence, de la
compétition, peur de ne pas être remarqué, de passer inaperçu… », comme le dit si bien Georges VIGNAUX dans son article: « la ruse, intelligence
pratique »[12].
L’incertitude
et la peur débouchent sur la recherche d’une échappatoire qui pourrait aider à
sortir d’un mauvais pas et être, dans une certaine dimension, l’emploi, à bon
escient ou non, la ruse, celle qui déploie autant d’astuces, que de
mensonges, d’illusions et de tromperies.
De là, il serait facile à l’Intelligence Insidieuse, (cette faculté de concevoir, de préparer et
de mette en œuvre des propositions, des suggestions ou des idées) de dicter le pas vers la sortie.
3
– Le critère de personnalité : Comprenons d’abord, dans
l’optique de cet article, que nous définissons le terme personnalité comme un jugement porté sur un individu dans son
comportement. Nous emprunterons à Martine MASSACRIER[13], psychothérapeute et
sophrologue, et sélectionnerons dans sa proposition de classification des
différentes personnalités attribuées à un individu, certains types de
personnalités conformes à l’esprit de notre article :
-
« La personnalité
anxieuse démontre un comportement dans
une situation, ou une
circonstance de la vie qui s’avère être une source de danger. Un tel
comportement traduit une contrainte de vie dans un état de tension perpétuel
aussi bien sur le plan psychique que sur le plan physique.
-
La personnalité histrionique est caractérisée par un perpétuel besoin de séduire, d’être l’objet de
l’attention générale. Elle paraît être en perpétuelle représentation théâtrale.
Sous cette brillante apparence se cache en fait une personne dévalorisée qui
cherche à se rassurer dans le regard de l’autre dont elle cherche également à
obtenir de l’aide
-
La personnalité obsessionnelle se caractérise par son perfectionnisme. Ce qui n’est pas parfait à 100%
est un échec total. Ainsi un individu perpétuellement envahi par le souci de
bien faire, a toutefois tendance à penser que sa méthode est la seule qui
garantisse la perfection et ses règles, les seules acceptables. Habité d’un
sentiment de toute-puissance, il se sent responsable de son environnement et de
tout ce qui s’y passe, et prend la responsabilité de le maintenir en ordre. La
culpabilité est souvent au rendez-vous ! Il a tendance à se laisser
envahir par le doute, tant la décision semble difficile à prendre de peur de
commettre une erreur.
-
La personnalité dépressive laisse apparaître un pessimisme omniprésent tant le côté négatif des
choses est surévalué. L’individu est en proie à des sentiments fréquents de
culpabilité et de dévalorisation. D’où des difficultés de communication dues au
fait qu’il ne se sent pas être un interlocuteur à la hauteur.
-
La personnalité « borderline » se caractérise par une humeur très instable
et un très mauvais contrôle émotionnel, en particulier la colère. L’individu
est habité par une demande excessive d’amour et d’assistance qui alterne avec des
fuites brutales quand l’intimité devient menaçante ou qu’il se sent «trahi». L’image
incertaine qu’il a de lui-même et l’idée floue qu’il se fait de ses besoins le
conduisent à des changements de cap brutaux dans sa vie.
-
La personnalité dépendante : les autres étant toujours supérieurs, il existe donc pour un individu un besoin constant de se
faire accepter des autres même s’ils ne lui correspondent pas vraiment, voire qui
ne lui conviennent pas du tout. Il est prêt à faire de nombreuses concessions,
à se soumettre à leur avis, à ne jamais dire non et à faire les corvées dont
les autres ne veulent pas. Sa crainte principale est de se retrouver seul, car
il se sent incapable de faire les bons choix, de prendre des initiatives,
compte tenu du fait que l’autre est toujours plus compétent et a pour mission
de la rassurer. Sa relation avec les autres est empreinte
d’ « accrochage » et de dépendance basés sur une prise de
conscience de sa vulnérabilité.
-
La personnalité narcissique : La caractéristique principale est celle de l’image de soi à promulguer et l’’aspect extérieur
prend évidemment une très grande importance qui se traduit par une apparence
physique et vestimentaire. L’individu a une haute opinion de lui-même, persuadé
qu’il mérite plus que les autres. Il n’a de cesse que de se mettre en avant, sa
principale préoccupation étant le succès. Avide de l’admiration des autres, il
ne supporte aucune critique. Son comportement est souvent manipulateur.
-
La personnalité paranoïaque : l’individu se caractérise par une défiance exagérée, l’impossibilité
de faire confiance à qui que ce soit. Il a tendance à tout interpréter comme le
résultat d’un acte malveillant. Il se tient par conséquent toujours sur ses
gardes. Très méfiant, il est prêt à rechercher les preuves de ses soupçons dans
les petits détails, au détriment souvent de l’ensemble. Il montre très souvent une extrême jalousie. Il n’a aucun
sens de l’humour.
-
La personnalité schizoïde : L’apparence du personnage est extrêmement réservée. Sa très grande
difficulté à communiquer peut parfois donner l’impression à ses interlocuteurs
qu’ils le dérangent, qu’ils l’empêchent de rester dans «son monde». Très mal à l’aise en société, il aura tout
naturellement un fort penchant pour la solitude. Ni il ne se lie, ni il ne
cherche la compagnie des autres, il semble indifférent à l’opinion d’autrui,
tant aux compliments qu’aux critiques, et donne une apparence de mystérieuse
impassibilité.
-
La personnalité sociopathe : Elle se caractérise par un total manque de
respect tant des autres que des règles et des lois de la vie en société.
L’individu fonctionne sur un mode impulsif qui privilégie le passage à l’acte
immédiat sur la mentalisation de l’acte. Très instable et insoumis, il est
dénué de tout sentiment de culpabilité.
Ce qu’on pourrait conclure de cette
classification, c’est que c’est la peur
et l’incertitude qui prévalent sur le besoin. Il est donc important à ces
individus marqués par une personnalité particulière d’user de subterfuges, ou
de ruses, pour fuir, (si le terme est
permis dans ce cas).
4 - Le critère de situation : L’intelligence Rusée sera donc un moyen,
ou plutôt un outil, dont un individu se servira pour trouver l’échappatoire.
Elle induira des résultats positifs, momentanés ou durables suivant la
situation présente.
Ces situations se rencontrent souvent
dans les relations de socialité et de sociabilité qui se créent, ou se nouent,
à l’intérieur d’une entreprise. Les relations interhumaines existantes ne sont
pas choisies mais imposées, ce qui entraine, tout naturellement des situations de
solidarité, de complicité ou conflictuelles.
Ici aussi, l’incertitude du lendemain (à
cause de la crise actuelle qui secoue le monde économique et professionnel), la
peur de perdre son emploi et la difficulté d’en trouver un autre dans une
période de temps aussi courte que possible, dicte une situation de guerre constante et sourde entre employés sans que
personne ne se pose la question qui l’a
déclarée ?
D’où ruse, flatterie, courtisanerie,
mensonge, manipulation et hypocrisie font bon ménage rendant la situation
encore plus complexe, plus compliquée et encore plus insupportable. Tout dépend
des intérêts qui sont en jeu, dont celui principalement de la survie professionnelle dans l’entreprise.
INTELLIGENCE RUSÉE ET MANIPULATION
Nous avions déjà laissé entendre, autant dans cet article que dans
d’autres écrits par mains auteurs, que la ruse était un outil prévalent dans
une sorte de manipulation des esprits, des avis ou des opinions dans un
objectif de ralliance d’accords. Nous avions aussi, plus haut, dit que
plusieurs qualificatifs lui accordaient un aspect positif ou non.
Dans l’optique de la conviction des masses, sur un sujet précis, Noam
CHOMSKY, cité dans l’article proposé par Claire MELCHIORI[14],
propose une liste des « Dix stratégies de manipulation de masse » et dans
laquelle nous retenons[15] :
Ø « La stratégie de la distraction, dans laquelle il s’agit de garder l’attention du public distraite, loin du cœur du sujet, par des sujets sans importance réelle.
Cette stratégie de diversion consiste à
détourner l’attention du public des problèmes importants… grâce à un déluge continuel de distractions
et d’informations insignifiantes. La
stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public
de s’intéresser… » et de se concentrer sur ce cœur de sujet. Faire
oublier l’essentiel… Il y a action de l’Intelligence Distractive et de
l’Intelligence Diversive afin de distraire, de détourner la concentration et de
tenter de faire oublier un point de vue en créant une confusion particulière. La
ruse serait ici associée à un stratagème
devant mener à une solution privilégiée par une partie proposante.
Ø « Créer des problèmes, puis offrir des
solutions. Cette méthode est aussi
appelée «problème-réaction-solution». On crée d’abord un problème, une « situation prévue» pour susciter une certaine réaction
du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite
lui faire accepter ». Pourrait-on ici associer
ruse à feinte ?
Ø « La stratégie du différé, c’est-à-dire une
autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter
comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le
présent pour une application dans le futur… le public a toujours tendance à
espérer naïvement que « tout ira mieux demain ». Mais la stratégie du différé peut aussi
signifier reporter à plus tard soit une
prise de décision qu’on ne voudrait pas faire dans une situation présente, soit
de refuser de considérer un problème et sa solution dans l’immédiat. La ruse
serait dans ce cas associée à subterfuge
ou moyen détourné pour se tirer
d’embarras.[16]
Ø « Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à
la réflexion. Faire appel à l’émotionnel
est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc
le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel
permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées,
des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements… ». Technique courante
utilisée en communication afin de faire accepter quelque chose en jouant sur
des sentiments ou des émotions. La ruse serait-elle artifice afin de contourner un fait rationnel ? Confirmer
donc, et dans une certaine mesure, le dicton prendre les gens par les sentiments…
Ø « Maintenir le public dans l’ignorance et
la bêtise : Faire en sorte que le
public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées
pour son contrôle et son esclavage ». Ne pas faire savoir précisément le cœur
d’un sujet mais savoir insinuer par l’utilisation d’arguments insidieux,
c’est-à-dire constituer un piège dans lequel une partie se confondra. La ruse
serait-elle alors tromperie ? Ce
phénomène se rencontre souvent dans les entreprises où la communication fait
défaut, (pour des raisons évidentes), ou tout simplement incomplète.
Nous pourrions, à ce sujet, ajouter l’action de l’Intelligence
Instigatrice qui serait cette faculté de pousser
quelqu’un à faire quelque chose[17]
et de l’Intelligence Instigative qui est cette capacité
de faire agir en fonction d’intérêts prédéterminés[18].
Ce serait donc, comme le dit si bien le
Larousse un « Procédé habile mais (parfois) déloyal
dont qq un se sert pour arriver à ses fins ou pour obtenir ou réaliser ce qu’il
désire ». [19]
Au lu de ce qui précède, nous pourrions conclure à l’utilisation d’une
manipulation de l’information afin d’atteindre des objectifs déterminés.
Cette manipulation n’est, au fond, que l’application d’une Intelligence Rusée
certaine.
RÉFLEXIONS
La ruse
est-elle une forme d’intelligence ?
Pour BALANDIER et al (1977): « La ruse,
c'est bien plus que la ruse [...]. Ce double jeu de l'intelligence mise au service
d'un désir, qui se dissimule, modifie l'usage que nous avons de l'univers
classique... La ruse en somme s'oppose à la violence, comme la persuasion et la
philosophie à la force, ou le droit à la vendetta, et la parole au sang échangé
de la jurée. Ruse du marin, du paysan, du soldat, de l'aventurier, du marginal,
du croyant, de l'ouvrier contre les forces cosmiques, mythologiques et sociales
qui veulent à tout prix se maintenir dans l'ordre institué[20] ».
Et, dans l’essai paru en 1985, « le Détour, Pouvoir
et modernité », l’auteur « suggère
en effet une définition de la ruse qui est autant un appel à la lucidité et à
la raison qu'un plaidoyer en faveur d'une plus grande ouverture culturelle,
fruit d'une pensée longuement nourrie par la confrontation des modèles
civilisationnels[21] ».
Bernard DADIE[22]
(1955) défini le rusé comme celui qui « …a dans sa tête plus d'un tour et sur sa
langue des phrases à le sortir de l'embarras. Il aime les situations
difficiles, les obstacles qui accroissent ses facultés, décuplent son
intelligence, fouettent son ingéniosité ».
L’Intelligence Rusée serait donc, à la fois,
une
Intelligence de l’Action, (capacité
de repérer ou d’élaborer des moyens d’agir dans les contraintes d’une
situation[23]) et une Intelligence Pratique (aptitude[24]
à adapter un comportement à une
situation nouvelle, l’adresse qu'on montre dans une situation donnée,
l’habileté dans le choix des moyens qu'on emploie pour parvenir à un certain
résultat[25]).
Elle accompagnerait, inévitablement, l’Intelligence Communicatrice et
l’Intelligence Politique, puisqu’elle n’agit qu’en raison d’intérêts ou
d’objectifs.
« Ainsi,
cette intelligence n’use pas de lois ou de facteurs toujours très rationnels.
Elle combine les cinq sens qui renseignent, le sixième intuitif, mais également
du bon sens et des savoirs antérieurs[26] ».
En
fait, comment va-t-elle opérer réellement ? Le plus simplement du monde en
utilisant les données existantes et émergentes de la situation en les retournant comme atouts pour proposer,
suggérer et tenter de convaincre quand cette situation fait naître des
difficultés soudaines, inattendues ou auparavant indéfinies.
RÉFÉRENCES
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d’Edition, coll. 101
BALANDIER G.,
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intelligence pratique (n.d.).
WEBOGRAPHIE
www.psycho-ressources.com/bibli/types-de-personnalite.html
http:// Wikipédia/La ruse
[1] MANTIONE
F., (n.d.) – Les fondamentaux de la ruse
- www.florianmantione.com
[2] Voir le
blog de l’auteur cgcjmk.blogspot.com
[3] Larousse
– Ed. 2010
[4] Idem
[5] BOISSEAU D., (2000) – Article « Ne
vaut pas le voyage » - Revue La
Licorne
[6] Corrigé de la synthèse du BTS 2009 Epreuve de
Culture générale et Expression… opcit
[7] Idem
[8] Idem
[9] Tiré de
ATTALI J., (1996) - essai Chemins
de Sagesse, Traité du Labyrinthe – (n.d.) – in Corrigé de la synthèse du BTS 2009 Epreuve de Culture générale et Expression… opcit.
[10] BALANDIER G., (1985) - Essai le Détour, Pouvoir et
modernité, (n.d.).
[11] Corrigé de la synthèse du BTS 2009 Epreuve de
Culture générale et Expression… opcit
[12] VIGNAUX G., (n.d.) – Article:
la ruse, intelligence pratique (n.d.). Georges VIGNAUX est directeur de
recherche au CNRS. Il a été directeur du laboratoire de communication et
politique. Philosophe et linguiste de, formation, il s'est spécialisé dans
l'histoire et la logique des idées et des connaissances qui fondent nos
sociétés. Auteur de nombreux ouvrages et articles, il a publié notamment Le
Démon du classement, Les Jeux des ruses et Du Signe au virtuel aux Editions du
Seuil. (Wikipedia).
[13] www.psycho-ressources.com/bibli/types-de-personnalite.html
[14]
MELCHIORI C., (2010) – Les dix stratégies
de manipulation des masses selon Noam CHOMSKY -
http://coachingentreprise.wordpress.com/2011/11/13/intelligence-collective-les-dix-strategies-de-manipulation-de-masses-selon-noam-chomsky-intelligence-pyramidale/
[15]
En italique nous reproduisons le texte écrit par Madame Claire MELCHIORI.
(NDA).
[16]
Larousse 2010.
[17] idem
[18]
Voir le glossaire des qualificatifs multidimensionnels de l’Intelligence sur le
blog de l’auteur cgcjmk.blogspot.com.
[19]
Larousse.com
[20] BALANDIER G. et al, (1977) – La ruse – Union Générale d’Edition,
coll. 101
[21] Corrigé de la synthèse du BTS 2009 Epreuve de
Culture générale et Expression…
[22] DADIER B., (1955) – Le pagne noir – Paris Présence
africaine.
[23]
Larousse.com
[24] idem