Par
Clark G. KHADIGE, dba, desg
(JCB 1934-2012)
Peut-on
mettre en avant, et en mieux, la portée de cette citation ? Certes, le
Passé est riche d’enseignements dont on a su profiter pour grandir et évoluer.
Mais, aussi, combien de fois nous sommes-nous trompé ? Combien de fois
avons-nous mal jugé, mal interprété ou mal analysé ? Mal compris,
aussi ?
Le temps
passe et les choses changent, se modifient, prennent un visage nouveau. Ce qui
se présente aujourd’hui, crée autant d’avantages que de nostalgie, et nous nous
prenons à penser que « Rien ne sera plus comme avant ! Rien n’aura
plus le même gout… ».
Combien d’entre nous auraient aimé avoir la
pensée d’Épictète, le rationnel de Descartes, la plume de la Fontaine et la
verve de Molière pour raconter ce qu’était hier, ce qu’est aujourd’hui et ce
que sera demain ? Combien d’entre nous ont gardé la nostalgie des anciens,
avec le peu de connaissances qu’ils ont acquises face à l’immensité de la
culture ? Mais ils nous ont donné des bases solides de réflexion. Sans
elles, notre évolution aurait été fortement compromise.
Ainsi, au fil du temps, des lectures et des
écrits, plusieurs questions se posent et leurs réponses changent chaque
jour :
Ø Qui pense encore à ces grecs anciens, pères de la philosophie, du
management, de la gouvernance et des comportements ?
Ø Qui pense encore à ces grands de la littérature française qui ont peint
la société d’hier et dans laquelle, souvent, se noie celle d’aujourd’hui ?
Ø Qui se rappelle de ces grandes inventions qui ont marqué la
civilisation ?
Ø Qui se rappelle aussi de ces grands inventeurs qui ont imposé les
orientations de notre civilisation scientifique ?
Ø Qui se rappelle encore de ces grands explorateurs qui ont découvert le
monde et qui ont posé les premiers jalons de la globalisation, tel que nous la
vivons aujourd’hui ?
Et d’autre
part :
Ø Que laisserons-nous aux générations futures qui ne sauront plus se
servir de la connaissance et du savoir puisque la technologie en devient la
mémoire ?
Ø La mémoire du Passé sert-elle encore à la construction du futur quand
la machine prévaut ?
Ø Le Passé a-t-il encore une place et un rôle à jouer dans l’avenir
humain ?
Il
s’agirait, peut-être, de formuler des questions et de
tenter de trouver les réponses fondées. Devraient-elles
porter sur des attitudes d’entreprise, sur des applications innovatrices ou
tout simplement sur des comportements de « suiveur », considérant
qu’il est toujours plus facile de copier, d’imiter que d’innover ?
De la révolution intelligente
Mais qui dit nouvelles questions
implique inévitablement la recherche de nouvelles réponses. Mais où
sont-elles réellement ? Comment trouver des solutions à ces problèmes que posent
aujourd’hui l’incertitude et l’inquiétude de ce que sera demain ?
Il serait facile de dire que leurs sources
résident dans le Passé, pour la simple raison qu’il est la base de ce qui est
aujourd’hui et le tremplin de ce que sera demain ! C’est le monde infini
de l’information et du savoir dont on ne connait plus la véritable origine ni où
seront ses frontières qui reculent à force de développements et de découvertes.
Mais on pourrait dire, quelque part, que c’est la curiosité de l’homme
qui en fut le point de départ et que l’on pourrait qualifier de première
intelligence humaine. Le comment et le pourquoi furent les
deux questions principales qui suivirent dans la reproduction de ce qui est, la
troisième et dernière question consistait à répondre au pour quoi ?
Réflexions délicates, méticuleuses parfois et sensibles, sur un processus
autant que sur un justificatif et un objectif.
Ces questions ont constitué les bases de la
recherche scientifique, telle que nous la connaissons et la pratiquons de nos
jours.
Cependant, si le XIXe siècle a vu la naissance
de la Révolution Industrielle qui s’est vue composée de la révolution mécanique
(les premiers moteurs), le XXe s’est vu doté, lui, de trois nouvelles
composantes : la Révolution Électrique (l’énergie au service de la production),
la Révolution Électronique, (le petit au service du grand) et la Révolution Binaire
qui a introduit l’informatique[1].
Il a donc conçu la révolution technologique d’ensemble. Ces évènements ont
inscrit fortement, et rapidement, les grandes lignes du développement social,
technique et culturel.
Tout
a changé, depuis la manière de penser jusqu’à la manière de faire entrainant, par-là,
une nouvelle manière de se comporter !
Avançons donc par tâtonnement, par
imagination, par esprit compétitif, par esprit d’invention ou d’inventivité,
comme certains aiment à le dire, ou par esprit de créativité comme d’autres
encore le pensent et le proposent.
Ce que nous savions hier, nous a permis de
savoir ce que l’on sait aujourd’hui. Mais rien n’est plus certain, car Demain tout
redeviendra acertitude du Passé et incertitude d’Aujourd’hui. C’est
l’évolution dira-t-on. Mais, et avant tout, l’évolution de quoi ? Certainement
de l’Intelligence Humaine qui se traduit par l’Intelligence dans toutes ses
dimensions[2]
et dans toutes ses applications.
Si l’Intelligence
d’Hier aide encore un peu l’Intelligence d’Aujourd’hui, que
fera-t-elle pour l’Intelligence de Demain, déjà si entachée de technologie ?
Demain sera-t-il totalement dépendant de l’Intelligence Artificielle ?
Ainsi, ces deux formes d’intelligence se confondront dans l’Intelligence
du Passé et nous pourrions dire, à la limite, qu’elle en est la mère
déclassée et délaissée de l’Intelligence de Demain, car Hier et Aujourd’hui
ne sont désormais plus que références d’expériences et d’expérimentations
passées.
La seconde qui vient de passer, appartient déjà au
Passé !
Ce Passé,
si important malgré tout, est-il réversible, ou représente-t-il cette dimension
irréversible de l’information, de la connaissance, du savoir et de la
culture ?
Malgré tout, nous avançons,
Dans nos activités quotidiennes,
professionnelles ou sociales, nous appliquons ce que nous avons appris au fil
de nos expériences et de nos expérimentations communes. Nous le faisons grâce à
un sentiment de sécurité parce que nous continuons dans un système qui a fait
ses preuves, qui nous a donné des bases de travail et de réflexion et que nos
risques deviennent de plus en plus calculés et réduits, quoique parfois plus
grands.
Or, le monde d’hier ne ressemble pas
à celui d’aujourd’hui car tout ne se pense plus, ne se réfléchit plus, ni ne fonctionne
plus de la même manière, et nous nous entêtons encore à croire que parce-que
notre savoir est plus grand, nous commettons moins d’erreurs. Nous raisonnons
différemment et, peut-être contrairement à ce que nous faisions jadis, car les
réponses que nous cherchons à nos questions tiennent plus de l’analyse de ces
dernières qu’à leurs conséquences.
Ainsi, celles que nous nous posons
aujourd’hui sont issues des réponses d’Hier, simplement parce-que ces
dernières nous ont portés à un niveau supérieur de connaissances qui nous
obligent à transposer l’ensemble sur Demain et de transposer les
réponses d’Aujourd’hui dans de nouvelles questions.
Jean PUCELLE[3],
dans son livre Le temps écrit : «Le temps suscite le neuf et accumule les ruines». Pourrions-nous
dire, à la limite, qu’Hier est l’antichambre où resteront stockées
toutes les informations qui n’ont plus raison d’être, qui n’ont plus d’utilité ?
Mais le temps réapparait constamment sous les divers aspects du changement
qu’il inspire.
Aujourd’hui reste quand même une
dimension assez controversée. Si, comme nous l’avions dit plus haut, Hier est
l’antichambre du présent que l’on vit, Aujourd’hui n’est que le réservoir
de notions utiles, (inutiles aussi mais sources de réflexion), où connaissances
passées et connaissances nouvelles se rencontrent, se côtoient et font naitre
ce dont nous aurions besoin dans la dimension de Demain.
C’est donc un mouvement qui
emporte vers le futur, comme l’a si bien dit Jean PUCELLE[4]
car il change intarissablement de contenu. Nous pourrions ajouter, à ce que dit l’auteur, qu’Hier change
incontestablement le contenu des choses.
L’Entreprise
dans la dimension d’Hier, d’Aujourd’hui et de Demain
« Les
entreprises dépendent très étroitement de leur environnement[5] ».
Mais chaque environnement a des
caractéristiques, des facteurs, des critères qui lui sont propres et qui
agissent non seulement sur le concept de management des entreprises, mais aussi
et surtout, sur le comportement des individus. Cette dépendance a ses sources
dans la connaissance d’Hier, une action dans le savoir d’aujourd’hui et une
réflexion dans ce que sera la culture de Demain.
La survie
d’une entreprise ne peut pas dépendre uniquement de ressources
environnementales, à l’exception des siennes, c’est-à-dire celles de son
environnement interne. Cette survie ne dépend que de sa faculté de comprendre
les facteurs externes, en constant bouleversement sinon en changement continu,
influant directement et indirectement sur son activité, et de sa créativité à
pouvoir non seulement utiliser ses propres ressources mais aussi celles des
différents environnements. C’est, à la base, une simple question de concept
managérial et de l’émission d’un principe de pensée stratégique réaliste issu
de la réflexion de ce qu’a apporté Hier. C’est donc une question d’Intelligence.
L’expérience du Passé trouve ici toute sa valeur. Mais est-ce aussi une
question d’Intelligence Discernante [6] ?
Le
processus de survie sur un marché global, reste crucial
car il est en relation directe avec la perception que les firmes ont de la
réalité de leurs connaissances, autant que de leur expérience.
Et puis, au fond, quelle
signification « comprendre » au terme « survie » ici utilisé ? Doit-on lui attribuer, ou lui ajouter, la
signification de situation, de durabilité de l’état du savoir des entreprises ?
Ainsi, il est impératif à ces entreprises de s’adapter au mieux aux
contraintes apportées par les environnements avec lesquels elle est en
relation. Mais parler d’adaptation, c’est comprendre
que les forces, les facteurs et les critères externes existants sont suffisamment
puissants pour que l’Entreprise « fasse avec». Cela implique, à la
base, une bonne connaissance de ces éléments en présence. Dans cet ordre de
choses, une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités et menaces) d’Hier
et d’Aujourd’hui serait-elle de mise ? Mais
l’appliquerait-on à un
environnement ou à une réalité, à un résultat ou à un objectif ? Ou, tout simplement,
à la préparation de Demain ?
Que sera
donc Demain ?
Peut-être et simplement une nouvelle
méthode de réflexion, d’action ou de comportement. Ainsi, saura-t-on jamais poser
les bonnes questions et trouver les véritables réponses ? Aura-t-on
encore besoin d’avoir recours à la mémoire du Passé ? À quoi servira cette
Intelligence du Passé et, inévitablement, que proposera l’Intelligence
d’Aujourd’hui ?
L’important reste la façon dont nous
recevrons l’information et comment nous y réfléchirons. Ceci, peut-être, à
travers la réflexion portée sur les interrogations suivantes :
Ø Comment nous la recherchions, la recherchons et
la rechercherons ?
Ø Comment nous la traitions, la traitons et la
traiterons ?
Ø Comment nous l’organisions, l’organisons et
l’organiserons ?
Ø De quelle manière nous analysions, analysons et
analyserons nos expérimentations autant personnelles que collectives ?
Ø Comment nous interprétions, interprétons et
interpréterons nos expériences ?
Ø Comment nous nous représentions, nous nous représentons
et nous nous représenterons la réalité du moment sachant qu’aujourd’hui ou
demain elle risquerait de ne plus être la même que celle d’hier ?
L’objectif majeur de ces questions
est celui « d’apprendre à comprendre réellement ce qu’est le monde sous
ses différentes formes : sociale, culturelle, économique,
politique, légale, etc. et comment il fonctionne pour essayer d’imaginer ce que
sera celui de demain ». Nous essayons donc de
donner un sens à ce que nous faisons. Nous y croyons sans vraiment être sûr de
sa réelle validité et de sa continuité dans le temps. Nous tâtonnons.
Mais savons-nous réellement ce que nous recherchons ?
Oui parce que nous avons des objectifs. Non, parce que nous avançons dans
l’incertitude et vers l’inconnu. Angoisse et inquiétude seront les compagnons
du voyage.
La dimension « temps »[7]
Acteur
particulier de l’universalité, le temps s’est toujours manifesté par des
objections, des contradictions, des constantes, des affirmations et des
infirmations, qui nous renvoient à nous-mêmes et l’Histoire en reste le
seul témoin.
Mesurer
l’état des connaissances et du savoir revient inévitablement à calculer la
dimension espace du temps. Nous nous basons ainsi,
et peut-être sans le vouloir, sur les trois parties de cette dimension-espace : le Passé, le Présent et le Futur pour mieux
concevoir ou, du moins, mieux imaginer Demain.
Mais, au fond, que représentent réellement ces trois parties ?
1
- Ainsi, le Passé, (Hier), c’est
cet ensemble de savoirs et de cultures, de connaissances, d’expériences autant
que d’expérimentations, de patrimoines et de traditions, d’intracultures, de
culture et d’interculture, de recherches et de constantes remises en question,
de confirmation et d’infirmation de théories, de conflits et de chaos, etc.,
dont nous profitons aujourd’hui. Dans cet espace de temps nous avons appris,
rejeté, découvert et retenu
et, surtout, formé notre esprit critique et notre concept de synthèse et fait
des choix, aussi opportuns que valables.
De cet apprentissage est né
le concept du mieux qui, lui, a engendré celui du meilleur. Nous
pourrions, à la limite de cette réflexion, considérer qu’Hier était le bien,
qu’Aujourd’hui est le mieux et que Demain sera le meilleur.
N’est-ce pas là, l’évolution naturelle que nous avions toujours recherchée ?
C’est pourquoi Hier est et restera indéfiniment le
fondement irréversible d’Aujourd’hui et de Demain.
2 – Le Présent, (Aujourd’hui),
par contre, n’a d’importance que dans la mesure où il n’est qu’une transition
entre le Passé et l’Avenir, (entre Hier et Demain). Nous
utilisons Hier, donc le Passé, pour savoir et pouvoir agir et nous
comporter dans une dimension que nous avons définie, avec autant de précisions
et de normes que possible. Mais, c’est une dimension instable où certitudes et
incertitudes se côtoient dans d’infinies contradictions car Aujourd’hui
joue le rôle de deux plateformes complémentaires :
Ø La plateforme d’application de ce qui a été
trouvé auparavant (Hier), que l’on applique (Aujourd’hui) et qui
devient sujet à réflexion pour en confirmer la validité encore existante et sa
transposition dans les défis de Demain.
Ø La plateforme de préparation de Demain
et n’a donc d’importance que dans ce qu’elle lui apportera. Cette plateforme va
surtout considérer que Demain ne doit pas ressembler à Hier. Car Demain,
c’est le nouveau ! Mais Demain c’est déjà et c’est encore l’inconnu !
3 - Demain est donc une
dimension indéfinie. Elle profitera d’Hier et d’Aujourd’hui dans
un seul et même concept : le Passé, car Hier et Aujourd’hui
se rejoindront et se reconnaitront dans ce même concept. Demain sera le
règne de la technologie supérieure et infinie et la question apparente, comme posée
par beaucoup, émerge dans un concept philosophique autant que social :
Ø
« Qui
de l’homme ou de la machine prévaudra ?».
Ø L’Intelligence de Demain sera-t-elle
suffisamment intelligente pour reconnaitre ce qu’Hier et Aujourd’hui
ont conçus ?
Ø L’Intelligence de Demain sera-t-elle une
Intelligence de manipulation, d’imposition forcée et de conditionnement
collectif ?
À la question étourdissante «Où
est donc Hier et où est donc Aujourd’hui ?» nous répondrons simplement
qu’ils sont déjà confondus dans Demain, et
qu’ils restent la base constante, croissante et éternelle du Passé. Elle
est présente aujourd’hui et le sera encore peut-être demain. Mais Demain restera entièrement un constant bouleversement
parce qu’il est un mouvement né hier et qui grandit aujourd’hui. Il se dotera d’une culture nouvelle, différente ou pas, due à la course
effrénée de la nature humaine en quête du bien, du mieux et du meilleur
possibles.
Erik BRYNJOLFSSON, Andrew MCAFEE, et Michael SPENCE
dans un article sur le Nouvel Ordre Mondial écrivent : « Ainsi, à
l'avenir, la rareté sera d’abord celle des idées, plus encore que celle du
travail ou du capital. Les rares personnes capables de proposer de bonnes idées
en tireront d’immenses profits. Le grand défi de demain consistera, de plus en
plus, à assurer un niveau de vie acceptable pour le reste de la population
mondiale, et à construire des sociétés et des économies ouvertes »[8].
Mais
si nous pouvions affirmer, dans cet ordre de pensée, que Demain sera le règne
incontesté de la machine intelligente, elle introduira surement le concept de
l’idée intelligente et constructive. L’évolution de la dimension humaine
en dépend. Certes, les activités seront différentes et d’autant plus diverses. Mais
qui en sera, au fond le véritable gagnant ? L’être humain ? Peut-être
pas, mais il en sera le premier profiteur. Les lobbies économiques, les
collectivités ? Sûrement.
En
fait, on penserait, de prime abord, que l’éternel gagnant serait l’Homme créatif,
compétitif dans sa pensée, innovatif et innovateur, concurrentiel dans ses
relations, imaginatif de dimensions nouvelles, etc. Mais ce sera surement celui
qui saura contrôler et maitriser l’Intelligence
d’Hier et l’Intelligence
d’Aujourd’hui. L’objectif de l’Intelligence Humaine sera de reléguer
au second plan, si ce n’est à la seconde place, l’Intelligence Artificielle
qui, dans son contexte, n’est qu’un outil de développement et de croissance et
non pas celui qui décidera de Demain.
Ainsi,
Demain est et restera un phénomène constant et continu issu du Passé mais
animé, comme le dit si bien Jean-Louis VIEILLARD-Aron (1995), d’une évolution
créatrice, source de l’Intelligence et du développement constant. À ceci,
nous emprunterons à BERGSON[9]
la phrase «continuité de changement, conservation du passé dans le
présent… » si réelle et si présente.
Le point de vue de PIERRE PORTEVIN[10]
« Selon moi, une des idées principales
derrière l'IC, c'est que, dans un système complexe, chaque individu impliqué à
la cause détient une part de savoir et d'expérience tout à fait unique, qu'il
convient de rassembler et d'échanger afin de permettre à tous de partager une
vision commune. On a tous une part d'expertise unique et une part de
responsabilité. Chacun a quelque chose à apporter.
Donc pour moi, dans les
dimensions de l’Intelligence Collective :
Ø Hier, c'est le réservoir d'expériences, de connaissances.
C'est l'héritage.
Ø Demain, c'est le phare de l'intention, de l'avenir désiré,
de la perspective souhaitée. C'est ce qui anime, énergise, oriente, rassemble
et réunit.
Ø Aujourd'hui, c'est le siège de l'instant. C'est l'espace
d'ouverture, de pensée, de partage, d'écoute, de circulation, de créativité.
C'est le circuit ouvert, les champs des possibles, le terreau des idées ».
L’Intelligence
de Demain et l’innovation
Le concept
d’innovation touche aujourd’hui tous les secteurs. On ne cessera jamais de dire
que l'’innovation est source de changement et de développement continus
puisqu’elle est fille de l’imagination, de la créativité et de la demande capricieuse et changeante de l’être
humain.
Ces trois éléments transforment profondément
la vie des marchés, des entreprises et des individus. La globalisation a
apporté, entre autres avantages et inconvénients, la disparition des frontières
et a modifié fortement la pensée managériale ainsi que les rôles que se sont
impartis, au fil du temps, les différents acteurs non seulement des marchés
mais aussi de la société dans son ensemble. Tout change dans une spirale
vertigineuse. Peut-on encore suivre la technologie dans tous ses apports ?
Une fois de plus, on ne pense donc plus local
mais global en tout. On ne pense même
plus mental mais réflexe.
Mais, au fond, qu’est-ce qui nous a fait
changer si vite ? Pourquoi le XXIe siècle veut-il divorcer des siècles précédents ? Pourquoi veut-il nous
emmener vers un inconnu encore indéfinissable, et peut-être inquiétant sinon
angoissant, aujourd’hui ?
La réponse semble évidente : c’est la technologie
qui a tout renversé ! Pourquoi ?
C’est simple. En nous référant à Aristote de
Stagire[11]
dans son « Éthique à Nicomaque »
nous lisons : « … aussi les hommes choisissent-ils ce qui est agréable comme étant un
bien, et évitent-ils ce qui est pénible comme étant un mal ». Ainsi, dans cet ordre de choses, si
la technologie nous offre le quotidien
facile, ne deviendrions-nous pas, au fil des jours, des automates dépendants puisqu’elle fait tout à notre
place, parfois mieux et avec plus de précision ?
Dans cet
ordre de choses, tous les efforts de recherche ont pour objectif de trouver les
meilleurs moyens pour faciliter la vie des individus autant dans leur vie
privée ou sociale, que dans celle professionnelle. La pensée d’Aristote est
toujours de mise, à la différence près qu’aujourd’hui ce sont les entreprises
qui font l’effort et non plus les individus.
« Aujourd’hui
chacun s’en rend bien compte au quotidien : le risque zéro n’existe plus,
le monde « s’aplatit » pour reprendre
le terme utilisé par Thomas Friedmann dans son livre « La terre est plate
», de nouvelles priorités globales
s’imposent à nous comme celle du développement durable et de notre
responsabilité vis à vis des générations futures »[12].
En conséquence directe, les entreprises du
XXIe siècle doivent impérativement vivre ce changement et adopter, sinon
adapter, une flexibilité qui leur permettra de naviguer dans un concept de management en constant renouveau tout
en développant des dynamiques adaptées à la complexité du changement.
Les règles de jeu semblent aussi changer. Mais
si tout est plus facile, tout n’en est pas moins complexe. Prenons comme
exemple la téléphonie mobile et posons-nous la question : qu’a-t-elle fait
de l’homme d’aujourd’hui ? Certes, elle a favorisé le contact constant, la présence
virtuelle continue, la relation omniprésente, etc… Mais ce qu’elle a surtout réussi à
faire c’est créer la dépendance de l’individu envers la technologie. Qui peut,
aujourd’hui, penser à ce qui nous adviendra si le téléphone portable s’arrêtait
de fonctionner ? Nous nous sentirions isolés
et perdus sans le contact avec les autres, sans le contact des autres…. Ce
qui resurgira sera surement le sentiment d’être seuls au milieu de 7,5 milliards d’individus qui peuplent notre
planète !
L’Intelligence Collective et l’Intelligence du Passé
Imaginons, un moment, que
l’Intelligence Collective soit un amalgame entre l’Intelligence d’Hier et
l’Intelligence d’Aujourd’hui. Elle en serait plus riche de connaissances et de
savoirs, d’expériences et d’expérimentations, de réflexions et de résultats,
d’inductions, de déductions et de conclusions.
Serait-elle,
alors, ou deviendrait-elle une nouvelle culture
de la pensée managériale ?
Tout ce
qui est découvert, retenus, fait, réfléchi, appliqué représente une déduction
et une conclusion, à la fois, de pensées collectives scientifiques et
littéraires. Mais tout commence avec une idée sortie d’un esprit individuel, et
son développement est souvent repris par une collectivité de chercheurs.
L’individuel est donc souvent inclus dans le collectif.
Pierre Portevin[13] nous en donne un point de vue très pertinent :
« L'idée
qui traverse mon esprit, est celle-ci : il n'y a pas d'intelligence purement
individuelle. Quasiment tout ce que nous pensons est construit sur le
collectif. Nos capacités individuelles de conceptualisation n'existent que
parce que nous disposons d'un langage. Et nous avons acquis celui-ci grâce à ce
que d'autres nous ont transmis. Nos croyances, nos connaissances, nos idées...
tout ce qu'on a en tête ou presque nous vient des autres. On apprend
essentiellement par mimétisme. Nous ne produisons d'idées nouvelles qu'en
réagissant à, associant, combinant ou challengeant des idées passées (même si
certaines de celles-ci concernent l'avenir ou nos croyances ou émotions à son
sujet). La production d'idées ex
nihilo est impossible.
En
corollaire, notre intelligence humaine est riche parce que collective. Mes
pensées du moment sont le fruit de toutes celles que j'ai pu intégrer jusqu’ici :
votre question initiale, votre demande d'un point de vue sur votre texte, les
livres que j'ai lu, les expériences que j'ai vécues, les discussions que j'ai
eues sur le sujet, les formations et apprentissages dont j'ai bénéficié... qui,
eux-mêmes, sont les résultantes des pensées que d'autres avaient sur le
sujet...
Je crois
que ce que les dynamiques collectives de qualité ajoutent à mes pensées
personnelles, c'est un contexte d'écoute profonde de connaissances et de points
de vue différents qui auraient pu provoquer en moi des crispations car en
opposition avec mes propres croyances ou convictions, mais auxquels je m'ouvre
parce que le confort psychologique dans lequel se déroule l'échange m'offre la
bienveillance et le respect mutuels dont j'ai besoin pour explorer d'autres
points de vue. De la sorte, je peux à la fois élargir mes connaissances et
horizons, et "stretcher", au sens physique du terme, mes pensées et
mon esprit. Je peux créer de nouveaux circuits synaptiques dans mon cerveau.
Nous
avons besoin de calmer nos egos et de gagner en humilité. Personne ne dispose
de toutes les informations, de toutes les connaissances. Personne ne peut
identifier individuellement les solutions aux problèmes complexes.
L'intelligence Collective nous permet de faire ensemble le constat de nos
limites et de nous accepter dans cette imperfection. C'est plus facile car on
se voit tous au même niveau. L'IC nous aide à comprendre que les solutions que
l'on élabore ensemble sont plus riches et efficientes que celles qu'on imagine
seul. Elle nous apprend à faire confiance au collectif et à lâcher le contrôle.
Bref, elle nous apprend à être des humains, ni plus ni moins ».
EN CONLUSION
Réfléchir au-delà de l’Intelligence, c’est,
peut-être vivre la dimension tripartite d’Hier, d’Aujourd’hui et de Demain dans
un même espace. Ainsi, pourrions-nous dire que cette triple dimension est celle
de l’Anticipation, de l’Innovation, de l’Échange et du Partage ? À la
limite, l’Intelligence Artificielle se confondrait-elle avec l’Intelligence de
Demain ?
Oui, rien n’est comme avant. Rien n’a le même
goût. Et pourtant tout se ressemble et tout se rejoint quelque part parce que
nous avons su tirer les leçons difficiles des évènements qui ont marqué
l’évolution de notre civilisation. Atteindrons-nous ainsi cette autre dimension
du «qui ne se ressemble pas, s’assemble[14]» ?
[1] Commentaires soutenus par Monsieur le Professeur Ibrahim MAROUN, de l’Université
Libanaise, lors d’une soutenance de thèse à l’Université Saint-Joseph de
Beyrouth (Le tourisme médical au Liban –
Présentée et soutenue par Mme Viana HASSAN – Janvier 2015). NDA
[2] Voir à ce sujet le glossaire des qualificatifs multidimensionnel de
l’Intelligence – cgcjmk.blogspot.com
[3] PUCELLE J. (1962) – Le temps – Presses Universitaires de France
[4] opcit
[5] CHAAR A. M., (2005) – (Centre de recherches et d’études doctorales
de l’ESA, Cred) - « Quelle est
la réalité de l’environnement de l’entreprise ? », article paru
en page 8 de l’Orient-Le Jour du samedi 16 avril 2005.
[6] Intelligence Discernante : Faculté
de pouvoir distinguer, de percevoir des faits afin de différencier et de
pouvoir faire un choix, ou prendre une décision. Voir glossaire des
qualificatifs multidimensionnels de l’Intelligence cgcjmk.blogspot.com
[7] Lire à ce propos l’article de l’auteur « La sixième
ressource : le temps » - cgcjmk.blogspot.com
[8]Erik BRYNJOLFSSON, Andrew MCAFEE, et Michael SPENCE (2014) - Un
nouvel ordre mondial - http://future.arte.tv/fr/un-nouvel-ordre-mondial
[9] BERGSON H.L. (1907) – L’évolution créatrice -
[10] Pierre Portevin est conseiller en stratégie,
en management et en déploiement de l'intelligence collective des
organisations, formateur et conférencier. Expert en communication, il
expérimente depuis une vingtaine d’années la valeur ajoutée de combinaison de
multiples démarches de réflexion collective et de connaissance de soi :
approche neurocognitive et comportementale, ennéagramme, possible human, processus
Hoffman, psychothérapie, psychologie énergétique, zen… Il préside l’European
Centre for Collective Intelligence.
[11] ARISTOTE
(384-322) – « Éthique à Nicomaque » - Librairie Philosophique J. Vrin.
[12]
http://www.inprincipo.com/fr/un-monde-nouveau/management
[13] opcit
[14][14] Cette citation est tirée d’une soutenance de mémoire faite par Mlle
Hiba LOUIS, (janvier 2015) à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (Alba),
Université de Balamand – Liban.